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du 17 Mars 2009 au 6 Septembre 2009 / Bilbao. L’énorme structure du Guggenheim trône au cœur de Bilbao comme la prédiction d’un futur post-industriel qui aurait ingurgiter le passé, de l’architecture romaine aux extravagances du monde moderne. Entre son entrée gardée par un chien de Jeff Koons, et sa porte de derrière protégée par l’une des araignées géantes de Louise Bourgeois, le Guggenheim affiche ses intentions. Quel meilleur endroit que cette grande bâtisse qui fait le pont entre le passé et le futur, pour accueillir les œuvres du chinois Cai Guo-Qiang ?

Imprégné de tout son être par la culture chinoise (voir plus globalement asiatique), Cai Guo-Qiang fait lui aussi le grand écart entre des valeurs antagonistes qui se retrouvent dans une seule et même œuvre : la création face à la destruction. Connu pour avoir notamment réalisé les « Empreintes de l’histoire », le feu d’artifice qui a inauguré les Jeux Olympiques de Beijing en 2008, où des pas dans le ciel traversaient la ville, Cai est à 52 ans, un artiste complexe et polyvalent, à la fois peintre, créateur d’installation, chef de chantier et artificier.

L’atrium du Guggenheim est occupé par huit chevrolets américaines organisées dans l’espace en cercle rotatif et traversées d’éclairs électriques symbolisant l’explosion. Les interprétations de l’œuvre sont multiples, on peut y voir, via cet emblème américain qui se désagrège dans le ciel pour finalement revenir à son point de départ, une métaphore de l’aspect cyclique des crises économiques et financières, comme une représentation de l’american dream, de ses nombreux moments de doutes et de sa capacité à retrouver la stabilité. L’installation laisse d’entrée de jeu une forte impression.

Il suffit au visiteur d’emprunter quelques marches pour changer radicalement d’ambiance. A quelques mètres de là se trouve la « Cours de perception des impôts » : une énorme pièce où des sculptures en argile brut et sèche reproduisent l’époque de la révolution maoïste. Cependant la nature des composants des statues implique leur désagrégation au cours du temps, l’œuvre ne dure qu’un temps comme l’idéologie qu’elle représente.

Puis très vite « I want to believe » nous emmène au cœur de l’univers de Cai Guo-Qiang : la poudre et la notion d’énergie. Quand certains s’expriment avec le pinceau, l’artiste chinois s’exprime avec la poudre à canon. Cet or noir en toc est déposé sur des toiles puis les mèches sont allumés, le tracé s’embrase et il en nait une création qui suit à moitié la volonté de l’artiste, à moitié la volonté propre de la poudre. L’outil de mort n’est pas utilisé comme une œuvre d’art mais comme une nouvelle forme d’art. Les toiles sont ainsi meurtries et mettent en exergue le contraste entre les textes chinois emprunts de philosophie et la guerre. Cai Guo-Qiang utilise également la technique pour réaliser son propre autoportrait et pour donner naissance à la plus belle de ses œuvres : « Black Peony (Pivoine noire) » qui sur une tablette de porcelaine sculptée, laisse apparaitre la fleur, image de pureté, ternie et défigurée par la poudre.

L’énergie et les mouvements imprévisibles sont une source d’inspiration infinie. Cai Guo-Qiang utilise des ventilateurs pour projeter de la peinture à l’huile sur ses toiles les transformant en typhons vivants. Mais c’est avant tout les explosions qui l’intriguent le plus. Plusieurs vidéos représentent ses feux d’artifices, véritables œuvres de l’instant, faisant de lui le premier artiste-artificier du monde. Dans sa série « Project for extraterrestrials », il essaye de contrôler l’incontrôlable tout en sachant que c’est l’œuvre qui finira par dompter l’artiste.

Un peu plus loin, une épave remplit l’intégralité d’une plage terrestre. Naviguant de la Chine vers l’occident, le bateau s’est échoué et sa cargaison de porcelaine a été réduite en miette. Installation massive réalisée avec des professionnels mais aussi avec des résidents locaux, cette embarcation soulève la question de l’exploitation des ressources de l’Asie, un jeu qui semble convenir aux deux pôles mais qui crée une frustration chez l’homme et son rapport au travail. La notion d’art global, où l’homme est un figurant de l’œuvre est présente derrière chaque morceaux d’assiettes cassées.

Mais c’est vraiment l’installation « Head On » qui confirme l’admiration. En provenance du Guggenheim de Berlin pour lequel, elle a été créée, celle-ci met en scène une masse compacte de loups s’écrasant contre une vitre transparente symbolisant le mur de Berlin. Le niveau de détail des bêtes, la beauté de leur animation spatiale, la technicité de l’ensemble montrent à quel point Cai Guo-Qiang est un grand « metteur en scène ». Ce troupeau idéologique, représentant une humanité se confrontant à une spirale d’erreurs liées au mimétisme de groupe, induit, tout comme dans l’atrium, la notion de répétition éternelle des schémas.

« Everything is Museum » serait sûrement l’expression à retenir du travail de Cai Guo-Qiang et de ce « I want to believe ». Imposant la notion de globalisation artistique, elle crée un parallèle passionnant avec le réseau international Guggenheim. Quant aux grands espaces du Bilbao, leurs architectures participent pleinement à l’épanouissement à la fois maitrisé et spontané de l’exposition.

Note : 9/10

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