Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

On ne sait jamais très bien ce qui motive les choix de Working For A Nuclear Free City. Qu’il s’agisse des orientations, des choix de production, de la construction de l’œuvre, il reste ce groupe qui est capable de réenregistrer/recomposer/réorganiser intégralement son premier album un an à peine après sa sortie. A croire que les meneurs Phil Kay et Gary McClure organisent leur vie à la manière de Luke Rhinehart, le dé décidant de la direction que prendront les morceaux, du style qu’ils aborderont. Il s’agit de détruire sa propre liberté, de se débarrasser de son libre-arbitre en laissant le hasard décider de l’avenir et de devenir un groupe-dé à six faces. Il n’y a plus de logique, plus de moi, plus de morale et de dogme. Le champ des possibles se resserre sur lui-même et dans ce nouveau monde chaque style est associé à un nombre : 1 pour l’indie rock, 2 pour l’electronique, 3 pour l’ambiant, 4 pour l’astrackt hip hop, 5 pour le shoegaze et 6 pour le post rock.

Sur « Autoblue » c’est Boom Bip qui remixe le Radiohead de « Kid A » tandis que les guitares shoegaze de Jesus & Mary Chain se mute en un post-rock tortoisien sur « Alphaville ». Dans sa manière de mélanger les accointances math-rock à la famille électronique (« Pachinko »), les anglais font un 6 et suivent la trace du Cougar. Puis des boucles maritimes à la DJ Krush sur lesquelles l’auditeur flottent (« A Black Square With Four Yellow Stars ») emmènent « Jojo Burger Tempest » sur d’autres continents.

Alors que trop de chanteurs étouffent les disques, alors que les instrumentations doivent sans cesse s’effacer sous ces voix omniprésentes, Phil Kay n’intervient qu’en fonction des résultats probabilistique et c’est le destin qui décide si les morceaux n’arrivent plus à se suffire à eux même. Ses cordes vocales ne sont alors que des violons qui soulignent judicieusement certaines émotions. Il ne s’agit pas de trac ou d’une technicité défaillante qui implique de rester en retrait, mais juste de considérer à la manière d’un Mogwai la voix comme un instrument comme un autre.

Les bleep bleep warpiens de « BARRY » se confrontent à des cordes cinématographiques. Rien que dans le nom des manchestériens, on sent à la fois l’héritage industriel et le gout pour la SF. Oui le groupe fait dans la bande originale et se calle sur des images, mais les films ne possèdent pas assez d’adrénaline pour lui et c’est dans l’univers du jeu vidéo qu’il accorde le mieux ses rythmiques frénétiques (confère la contribution à l’excellent inFamous).

La principale gageur de ce « Jojo Burger Tempest » est qu’il reproduit les mêmes erreurs que « Businessan & Ghosts », à savoir qu’il est trop long, trop fourre-tout et que la majorité des morceaux auraient besoin d’être dégraissés quitte à rentrer dans des formats plus zapping à la Prefuse 73. Malgré l’attrait des ambiances, malgré les discrets gimmicks qui peuplent les titres, malgré les cassures, les changements de style, on finit toujours par s’ennuyer un peu. Le dé génère le chaos, il pousse le groupe partout et nulle part et surtout chaque décision débouche sur la nécessité de prendre une nouvelle décision. En niant le concept de cohérence, en s’acoquinant un jour avec la dream pop (« Inokashira Park ») et le lendemain avec 65daysofstatic (« Brown Owl »), Working For A Nuclear Free City se retrouve avec un disque sans fin, comme une série qui multiplierait à l’infinie sa galerie de personnages mais qui ne saurait jamais conclure. Le quatuor a tellement de choses à dire qu’il livre un quasi nouveau « premier album ». Le deuxième disque se présente d’ailleurs sous la forme d’un mix qui compilerait toutes les idées qui n’auraient pas pu être exploitées lors des 17 précédents titres. Du coup le talent se dilue toujours un peu et le songwriting commence à tomber dans les mêmes travers que Autolux et son « Transit Transit ».

Peut-être qu’à l’avenir il serait plus sage de canaliser le talent et de remplacer le dé par une pièce ; le pile ou face aboutissant lui toujours sur une identité binaire certaine.

Note : 7/10