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R.ROO – Into A Cloud

Par Ed Loxapac, le 16-03-2011
Musique

Nous avions déjà eu l’occasion de parler du jeune et passionnant netlabel Abstrakt Reflections à l’occasion de sa première sortie : Mourn de Apparent Symmetry (ici). Dirigée par Pablo Benjamin, cette maison compte dans ses rangs des artistes aussi prolifiques que talentueux, comme LPF12, Miktek et très bientôt la canadien francophone VNDL. Le nouveau venu qui attire notre attention aujourd’hui est ukrainien. Il se fait appeler r.roo (prononcez Rugaroo) et est connu par certains curieux sous l’avatar de Sound Wave Pressure. L’album qu’il distribue aujourd’hui, baptisé sobrement Into A Cloud, évoque les humeurs aléatoires et donc forcément capricieuses du ciel, en cachant à peine un message pas complètement subliminal. Peu importe, car comme l’ukrainien le dit si bien, First comes the Music. Then the Words appear.

La musique de r.roo prend tout son sens quand on accepte d’y voir la lumière perforer la brume (Transformed). Cousue de romantisme et d’équilibre instable, elle semble installée sur une fine pellicule de glace prête à céder à tout moment. Into A Cloud joue divinement bien avec l’ambivalence des sentiments, entre beauté immaculée et déchaînement fougueux. Les glitchy beats s’abattent sur l’asphalte gelée, tantôt comme des grêlons (dreams) ou telles les perles d’une pluie acide (to drops). La lueur du soleil est comparable ici au combat acharné du phoenix pour ne pas disparaître (to scatter), représentée par les compositions classiques modernes jouées au piano ou avec des violons et violoncelles plaintifs jamais dépourvus d’espoir. L’usage du glitch n’a ici rien d’un vulgaire gimmick galvaudé, il est l’instrument de la décompensation céleste. Même si l’humain est heureusement impuissant face à la force des éléments, l’ukrainien conserve une certaine maîtrise de son sujet en ne rompant jamais complètement le fil conducteur poétique de ses mélodies, même sur les très bouleversés World et Dreams. Souvenons nous de notre enfance, de cette fascination mêlée de peur vouée aux orages et aux éclairs. Nous nous rappellerons peut-être alors de cette vieille femme qui nous promettait la cécité si nous ne détournions pas le regard de la fenêtre. C’est ce spectacle désarmant qui nous est offert à l’écoute du morceau qui donne son nom à l’ensemble de l’oeuvre. Nos yeux peuvent désormais restés grand ouverts, car nous savons aujourd’hui que les pluies torrentielles réservent des lendemains d’allégresse pour la nature essoufflée. Si les tempêtes laissent parfois derrière elles des territoires tout entiers sinistrés, n’est-ce pas avant tout pour laisser l’incontrôlable reprendre ses droits ? Into A Cloud laisse également entendre que ce qui a disparu est amené forcément à renaître (sun). Les petits et grands enfants que nous sommes peuvent donc continuer à rire et à imaginer, car comme celui de l’ukrainien, notre monde transformé en nuage disperse les rêves et les pensées en gouttes à l’aube d’un soleil d’automne.

Into A Cloud est un sublime album d’IDM évocatrice et descriptive. Nombreux sont légitimement ceux qui comme moi, regrette de ne pas pouvoir posséder cet album sous une enveloppe physique et donc organique. Profitons alors du fait que cette oeuvre sompteuse est distribuée gratuitement en mp3 (ici) ou en FLAC (ici) pour les puristes. De quoi rendre cette réussite absolue un peu plus recommandable, comme d’ailleurs tout l’ensemble de leur catalogue.

Note : 7,5/10