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Joe Lally est par définition un homme de l’ombre. Il n’était que le bassiste, dans Fugazi. La basse a beau être centrale, il a beau avoir fondé le groupe, il était dans l’ombre de Ian Mackaye et de Guy Picciotto. Pièce centrale, mais invisible, voilà Joe Lally. Mythe effacé avant même d’être reconnu. Fugazi fait une pause, indéfinie, et Joe se retrouve avec sa basse entre les mains et des idées plein la tête.

Sortir de l’ombre ? Jamais. Joe Lally est l’intégrité même, la discrétion incarnée. Il continue son bout de chemin, avec ou sans Mackaye. Il continue et continuera à faire saigner ses guitares basses, et à déposer sa voix comme une complainte, parfois rock, parfois apaisée. Joe ne cherche absolument pas à briller. Il joue sa musique comme si elle lui était vitale. Pas pour les autres, pour lui, par habitude, parce qu’il ne sait faire que ça, parce que c’est comme ça. On appelle ça l’intégrité Dischord.

Mais derrière tout cela se trame une question, et pas des moindres. J Mascis ressort un album, sans Dinosaur Jr, et on l’adule. Troy Von Balthazar sans Chokebore, et on l’adule. Tous ces vieux couteaux, ces gloires d’antan qui grattaient des cordes avant même nos naissances, ces dynamiteurs de cadres et de formats pré-établies reviennent, et leurs albums plaisent. Pourquoi ? Parce qu’ils ont l’aura de leurs groupes autour de la tête, ce qui fait oublier leurs coupes de cheveux incompréhensibles ?

Pour les trois dinosaures, c’est le même schéma. Il y a des deux : retrouver une idole comme un vieux pote, et, avec ça, des disques de qualité. Troy Von Balthazar frôle le grand disque à fleur de peau, J Mascis plait parce que c’est un branleur, et Joe Lally parce qu’il sait rester dans l’ombre. Dans l’ordre, Chokebore, Dinosaur Jr, Fugazi. On retrouve leurs projets d’antan dans leur musique actuelle. Et tout est là.

Jamais Joe Lally ne sortirait du carcan rock, entamé avec There To Here. Quoiqu’il arrive, on retrouvera les lignes de basse de Fugazi, les refrains explosifs et le son âpre des années 90. Joe Lally n’invente décidément rien, mais il entretient le souvenir de son groupe en sommeil depuis 2002, en en adoucissant parfois les contours. Parce qu’il a vieillit, parce qu’il a évolué et que ses colères se sont transformées et apaisées. Un album pour patienter avant un chimérique retour de Fugazi, comme l’était l’album de Mackaye avec sa femme, sous le nom de The Evens, le talent de Mackaye en plus.

Oui, écouter Joe Lally en 2011, c’est très loin de Fugazi. Mais on y retrouve des intonations, des clins d’œil. Joe Lally persiste et signe dans le classicisme et l’austérité, avec son Why Should I Get Used to It ? chez Dischord, bien entendu. Il restera donc à jamais dans l’ombre, par choix, pourquoi s’habituerait-il à la lumière ?