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Le dubstep n’a plus de définition musicale, il est devenu cette fumée qui sort des bouches d’égout, qui s’interpose entre le ciel et les buildings, cette fumée qui a les odeurs de la ville et les contours jamais définis. Alors que Burial s’efforce à donner du corps à ces villes qui nous étouffent, qu’il nous aide à y trouver des points d’attaches et à vibrer avec elle, Kode9 joue lui soit le coup d’avant soit le coup d’après : il nous aide à anticiper et prépare le terrain aux mutations que la ville nous imposera. Burial dresse des cartes pour ne plus se perdre, tandis que Kode9 dessine les plans des autoroutes volantes à venir ; et l’un comme l’autre sont indispensables à notre adaptation à ce nouveau mode de vie.

Déjà en 2004, à l’époque de son « 10inch Sine of the Dub », Kode9 prétendait que le dubstep était un électron libre qui utilisait le canevas des sub-basses pour absorber tout ce qui lui passait sous la main ; si les sub-basses étaient le papier et le crayon, l’imaginaire créatif n’avait lui aucune limite. C’est exactement ce que l’on ressent sur « Black Sun ». Les sub-basses, toujours présentes à l’exception de deux titres, sont  noyées sous les sons au point de parfois n’être plus que les fondations d’architectures ambitieuses. Le dubstep de Kode9 est de plus en plus strictement physique : seul le corps les ressent et la manière dont il oscille avec la musique permet encore de dévoiler les origines.

Tout se greffe autour des figures en  brique émaillée, du dub bien sûr (« Love Is the Drug », sorte de version dub de ce que peut justement faire Burial), mais aussi de l’ambiant (le désarçonnant et magnifique « Otherman »), du ragga impulsé entre deux breaks, et même du glitch avec un featuring de Flying Lotus qui illustre l’idée d’électronique total. Alors que les sub-basses jouent toujours entre 120 et 140 bpm, la batterie, elle, en fait de plus en plus à sa tête comme pour mieux souligner la désynchronisation entre les hommes et leur environnement.

Ce n’est peut-être pas un hasard si « Black Sun », qui tire son nom de l’album éponyme, est le seul titre qui s’écarte vigoureusement du dubstep pour taper énergiquement dans une deep house dansante et chaleureuse. Peut-être que Kode9 & The Spaceape cherchent à nous signaler que nous n’en sommes plus au stade de la transformation mais bien à celui de la métamorphose.

La réponse, l’accroche, le repère n’est alors peut-être plus à chercher dans notre connaissance de la ville et de ses architectures mais bien dans les relations humaines que nous entretenons avec ceux qui partagent également cet environnement. Si tout s’est accéléré au sens propre comme figuré depuis  « Memories of the future », Kode9 est plus que jamais accompagné par The Spaceape qui donne aux chansons leur rugosité et leur insuffle la force de continuer. De plus, à de maintes reprises, Cha Cha, vocaliste discrète mais au rôle essentiel, vient donner un écho à la voix du MC comme si chaque complainte se propageait dans la ville et trouvait une résonnance chez chacune des âmes perdues.

Le soleil noir est peut-être une réplique du soleil, une machine qui reproduit fallacieusement sa chaleur et duplique son énergie, mais dans ce retro-futur il y aura toujours ce qui compte le plus. « Black Sun » possède deux faces, celle du malaise urbain et celui de  l’espoir de demain. Chez Kode9 & The Spaceape la ville est toujours inhumaine et fourbe mais en y perdant notre humanité, on finira peut-être par y retrouver notre âme. Show me the evidence !

Note : 8/10

>> A lire également, la critique de Oui-oui sur Freedom & Discovery ainsi que l’article de Joseph Ghosn

https://www.youtube.com/watch?v=dIaS-mlG2IY