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SEMAINE LITTÉRAIRE – Au coeur du champ de bataille

Par Anthony, le 12-09-2011
Littérature et BD
Cet article fait partie de la série 'Rentrée littéraire 2011' composée de 11 articles. Playlist Society fait sa rentrée littéraire 2011. Voir le sommaire de la série.

Un soleil de début d’automne se lève sur la plaine dégagée où s’entasse une nouvelle cohorte d’écrivains, prête à partir à l’assaut. Le champ de bataille est déserté de ses combattants précédents, infanterie légère parfaitement adaptée aux offensives d’été (entendez « romans de plage de type polars ésotériques ou comédies romantiques », à la police de caractère grasse et l’interligne généreux…)

A l’autre bout de la plaine, le sol s’élève sur une longue et rude pente, formant un vaste monticule couronné par une impressionnante fortification.

Une redoutable citadelle, entourée de deux larges murailles concentriques.

La première enceinte est protégée par une armée de professionnels (médias et journalistes qui « comptent », libraires qui ont pu lire avant tout le monde) qui entament une enième campagne… Ils défendront leur position de façon impitoyable, empêchant l’accès à quiconque ne trouvera pas grâce à leurs yeux. Pour s’encourager avant d’en découdre, ils hurlent leur cri de guerre favori :

« LITTÉRATURE ! LITTÉRATURE ! »

Une clameur pleine de conviction qui résonne jusqu’au fond de la plaine, un hurlement qui glacera le sang de tout jeune auteur normalement constitué… Mais après tout, cette épreuve est le prix à payer par quiconque estime avoir des choses suffisamment importantes à écrire pour qu’elles soient publiées…

La deuxième enceinte défend une forteresse convoitée, une réserve qui abrite les lecteurs, ceux qui restent, ceux qui ont fait le choix de conserver un peu de temps de cerveau disponible pour cet exercice chronophage et parfois – souvent ? – décevant qu’est la lecture de romans. Un cheptel hétérogène à préserver, une espèce en voie de raréfaction qu’il faudrait pouvoir conserver sous haute protection dans un dodécaèdre de titane…

Du haut de la première muraille, les professionnels contemplent les restes fumants de dizaines de livres invendus, soldats inconnus de l’armée du Livre abandonnés à leur triste sort. En faisant le guet, ces initiés pestent pour la forme sur ces satanés Pancol, Lévy et Musso qui ont encore une fois réussi à pénétrer dans la 2ème forteresse à la faveur du relâchement estival. Un point faible dans la structure, probablement. Ou une porte dérobée… C’est décidé, ceux de l’automne devront tout donner pour obtenir le sésame : le droit de courir escalader la muraille entourant les lecteurs.

Au loin, juste avant de s’élancer, leurs livres en main, les auteurs se toisent, évaluent leurs atouts pour estimer les chances de survie de chacun. Pour certains, aguerris, ce n’est qu’un assaut de plus : ils connaissent les ficelles de l’attaque, maîtrisent l’art de la guerre et bénéficient souvent de complices dans la place forte. Pour d’autres, les jeunes recrues, parfois mal formées par des éditeurs trop contents d’avoir recruté un peu de chair fraîche, le combat est inégal. Trop d’entre eux n’ont de toute façon pas le talent pour se frayer un chemin, d’autres – la plupart – n’auront pas assez de chance…

Ceux qui vont mourir vous saluent, non sans avoir tenté d’attirer votre attention d’un grand signe de la main et d’un regard éploré. Mais l’heure est grave.

Car l’heure est venue de la grande bataille annuelle de la Rentrée Littéraire…

***

Contemplant ces grandes manoeuvres d’un regard attentif, la minuscule armée de Playlist Society a mis à l’épreuve quelques livres de cette rentrée littéraire : une dizaine, choisis plus ou moins au hasard, puisant dans cette abondance au gré des envies et des opportunités, pour consacrer – une fois n’est pas coutume – une semaine complète à la littérature proposée en ce mois de septembre 2011. Quoi qu’on pense de ce phénomène de rentrée littéraire (foire aux bestiaux, vide-greniers, artifice commercial, attentat contre la forêt amazonienne…), il a le mérite de porter l’attention sur la production romanesque française et étrangère, courte fenêtre de tir très vite refermée par les proclamations des récompenses. Car une fois le Goncourt remis début novembre, il sera alors temps de penser à Noël, ses jouets par milliers et ses romans best-sellers. Et passer à autre chose…