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Les Contes suspendus de Guillaume Chamanadjian : ériger un nouveau monde

Publié Aux Forges de Vulcain, le 07 avril 2023

Par Benjamin Fogel, le 15-04-2023
Littérature et BD

Troisième tome de Capitale du Sud et cinquième du cycle de La Tour de Garde, Les Contes suspendus s’intéresse à la transmission, à comment l’Histoire a besoin de la fiction pour perdurer, à comment les faits deviennent des contes, qui alimentent une mythologie, elle-même ciment d’une culture commune qui permet aux cités de tenir debout à travers les siècles.

Construit sous la forme de l’ADN en double hélice, entremêlant les événements de la Capitale du Sud, consolidés par Nox / Guillaume Chamanadjian, et de ceux de la Capitale du Nord, racontés par Amalia / Claire Duvivier, La Tour de Garde démontre dans ce cinquième tome, qui conclut l’axe du Sud, combien sa construction est habile et fonctionne sur les deux tableaux : chacune des deux trilogies est dépendante de l’autre, tout en fonctionnant parfaitement seule. Nox est ici secondé par Amalia, sans que les trous dans l’histoire de celle-ci, qui seront comblés dans le tome 3 de Capitale du Nord, n’entachent la narration – un petit miracle en soi pour un projet de ce genre.

Chaque tome de La Tour de Garde s’attache a un espace géographique spécifique

Chaque tome de La Tour de Garde s’attache a un espace géographique spécifique : la cité, l’entre-deux murs, les quartiers nobles havenois, les faubourgs… Dans Les Contes suspendus, la narration prend place dans la Tour de Garde, un lieu vierge, que les personnages vont devoir modeler à leur image : ce n’est plus le lieu qui influe sur les personnages, mais les personnages qui influent sur le lieu.

Une conclusion épique, construite à partir d’éléments présents dès le début du premier tome

Les cultures, les identités et les rituels de chaque peuple sont à nouveau interrogés et confrontés, mis au regard des systèmes politiques et de la construction sociale, avec cette interrogation chère à la série : comment faire société sans reproduire les erreurs du passé ? Le tout avec une conclusion épique, construite à partir d’éléments présents dès le début du premier tome.

Au-delà de ses innombrables qualités formelles, de son intelligence, de la pertinence de ses visions politiques appliquées à un univers heroic fantasy progressiste, de la fluidité de sa narration, de sa capacité à faire ressentir les senteurs des épices, les odeurs de la ville, la convivialité des repas, Les Contes suspendus transcende son sujet par le bien-être produit sur le lecteur de passer tout ce temps avec Nox, ce personnage qui « ne sauve pas des vies par héroïsme », mais « sans y penser, dans une sorte de touchant mélange entre imbécillité et sagesse ». Nox est un croisement inédit entre le Zadig de Voltaire et un héros de Shōnen. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il décide, on a envie d’être à ses côtés, faisant de Capitale du Sud une oeuvre aussi captivante que réconfortante. Du pur plaisir de lecture.