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Au poste ! C’est absurde, c’est pour ça

Sortie le 4 juillet 2018. Durée : 1h13.

Par Guillaume Augias, le 06-07-2018
Cinéma et Séries

Voici un film qui prend à bras le corps tous les codes du polar — ascendant seventies contrariées — mais qui n’est ni un polar, ni même une parodie de polar. Ne serait-ce que parce que dévoiler sa fin, mise en abyme possible de l’ensemble, serait tout sauf un spoiler.

Quentin Dupieux — qui comme chacun sait, ou bien devrait savoir, sévit dans l’électro sous le pseudo de Mr. Oizo — semble signer ici son film de la maturité, pour employer une expression désuète convoquée dans le portrait que lui consacre Libération ces jours-ci par le comédien Marc Fraize. Ce dernier parle de ses spectacles où il interprète un Monsieur Fraize qui désarçonne et séduit par un humour toujours à la limite du malaise, voire bien au-delà. Dans Au poste ! il incarne Philippe, agent de police borgne et borderline, qui devient le centre d’une affaire dans laquelle il ne voulait pas entrer.

Le sens de l’absurde qu’affectionne Dupieux se glisse dans des détails anodins, des anachronismes et surtout la torsion du récit, mêlant rêve et réalité, passé et présent, effroi et ennui

Cette affaire, c’est celle qui voit un certain Fugain longuement interrogé par un flic roublard nommé Buron, dont la motivation est inversement proportionnelle au flegme. Première personne à avoir découvert un corps sans vie en bas de chez lui, il est aussi le seul et donc principal suspect du meurtre, bien qu’il ait lui-même prévenu les secours.

Si la trame paraît assez peu étrange, quoique bancale, le sens de l’absurde qu’affectionne Dupieux se glisse dans des détails anodins, des anachronismes et surtout la torsion du récit, mêlant rêve et réalité, passé et présent, effroi et ennui. En cela il prolonge davantage la geste de l’absurde quotidien initiée par Réalité que celle, plus homérique et foutraque, de Steak ou Rubber.

Ainsi Benoît Poelvoorde, dont on pouvait se demander comment il allait s’insérer dans l’univers de Dupieux, apporte beaucoup plus sa bonhommie que sa vis comica. Et même si les seconds rôles d’Anaïs Demoustier et Orelsan sont sous-utilisés, l’ensemble comporte cette cohérence forme-et-fond des films de Verneuil ou Deray auxquels l’affiche rend hommage, dans un exercice d’actualisation qu’enrichit le grain de folie permanent greffé à l’œil de Quentin Dupieux.