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Les Bons Voisins de Nina Allan : dans les failles du réel

Publié le 21 août aux éditions Tristram. Traduit par Bernard Sigaud.

Par Benjamin Fogel, le 26-08-2025
Littérature

Bras droit du patron d’un magasin de disques à Glasgow, Cath est empêtrée dans son quotidien. Lestée par une histoire d’amour qui va dans le mur, et par une carrière de photographe qui stagne, elle plaque tout pour retourner vivre sur l’Île de Bute, à l’ouest de Glasgow, où elle a grandi. Avec en ligne de mire, un projet artistique : une série de photos sur des maisons où ont été commis des crimes. Elle se rend à l’ancien domicile de Shirley, sa meilleure amie de l’époque, assassinée des années plus tôt par John Craigie, son père, en même temps que sa mère et son petit frère. La demeure est désormais habitée par Alice, analyste financière à Londres, qui a fui la capitale et pris ses distances avec son mari. En empruntant le ferry, et en s’isolant sur ce bout de terre, Cath et Alice ont quitté, sans le savoir, le monde tangible, pour rejoindre une contrée féérique, où la réalité peut se fissurer.

Dans sa tête, Cath dialogue avec Shirley, comme si elle était hantée par cette dernière. Cette expression de son subconscient permet de suivre ses réflexions sous une forme dynamique, tout en interrogeant ses traumas. Cath était-elle amoureuse de Shirley ? Est-elle en train de réaliser un transfert sur Alice ? À l’instar de son problème de vue qui l’oblige à recomposer les images à partir d’indices, Cath va devoir reconstituer son passé pour réparer sa psyché. Une reconstitution qui passe par la nécessité de découvrir la vérité sur le meurtre de Shirley et sa famille.

La trame implose sous le poids des idées de l’autrice

On pourrait être dans un roman policier classique, où une jeune femme se penche sur un cold case dont l’enquête a été bâclée. Mais comme toujours chez Nina Allan, la trame implose sous le poids des idées, des intuitions et de la créativité de l’autrice. Ici la découverte par Alice d’une maison de poupée en bois, fabriquée par John Craigie et réplique exacte de sa demeure, engendre un changement d’échelle. Les Bons Voisins va alors s’intéresser au folklore écossais, aux fées et aux lutins, qui guidaient la pensée du père de famille.  L’occasion de dériver vers les artistes, chantre des mythologies païennes, comme le peintre Richard Dadd, interné pour avoir tué son père.

Nina Allan ne se fixe aucune limite

À l’image de Conquest, son précédent roman traduit en français, Nina Allan ne se fixe aucune limite. Si Conquest multipliait les angles fictionnels pour dessiner les contours du complotisme moderne, Les Bons Voisins interroge notre marge de manœuvre avec le réel, qu’il s’agisse de nos croyances ou de nos inventions psychologiques. On en ressort émerveillé, bluffé par le nombre de pistes – et de fausses pistes – suivies par l’autrice, sans jamais s’éparpiller. Un nouveau coup de maître.