Haute-Folie d’Antoine Wauters : la droiture du silence
Publié le 21 août 2025 aux éditions Gallimard
La ferme de Gaspard et Blanche s’appelle la Haute-Folie. Quand celle-ci brûle, le jour de la naissance de leur premier fils, Joseph, c’est toute leur vie qui part en fumée. Gaspard se bat pour reprendre pied, pour redonner un toit à sa famille, épaulé par son frère Léo. Il faut reconstruire la Haute-Folie, mais pour cela, des matériaux sont nécessaires. Dans le besoin, Gaspard devient la cible de Jünger, un propriétaire terrien malhonnête. La descente aux enfers est enclenchée, et la famille marquée du sceau de la tragédie, pour plusieurs générations. Le fait générateur ? La droiture de Gaspard. Le refus d’être accusé de la moindre fourberie. Cette droiture est un cadeau et une malédiction, dans un monde où la duperie est reine. Bafoué par l’injustice, Gaspard va s’effondrer. Il arrête de lutter. Désormais la droiture s’accompagnera de silences. Gaspard et ceux qui viendront après lui éviteront les gens. Ils ne palabreront plus. Ils ne contribueront plus au bruit qui abîme les hommes. Taiseux de père en fils, avec pour seule manière de réagir aux interactions sociales, la fuite.
Haute-Folie suit l’existence de Joseph, enfant élevé dans le secret, par son oncle Léo et sa tante Anna, ignorant du destin violent de ses parents. C’est un livre sur la transmission des traumas et leurs répercussions sur les choix de vie. Sur la reproduction des trajectoires de génération en génération. Autour des personnages, la société française se développe. La modernité se manifeste par petites touches – une bouteille de coca-cola par ci, une télé allumée par là –, mais celle-ci ne fait qu’effleurer les protagonistes, prisonniers d’une boucle d’errance.
Avec son introduction en italique, écrite à la première personne du singulier, Haute-Folie laisse supposer qu’il souscrit au genre du récit familial où l’auteur raconte l’histoire d’un aïeul, sur la base de carnets retrouvés. Mais il n’en est rien. Il s’agit dans son rendu d’une pure fiction brillamment construite – même si on la devine nourrie d’histoires personnelles –, où chaque détail est signifiant, portée par un style admirable, qui, à l’image de ses personnages, traque les propos superfétatoires. Antoine Wauters pèse ses mots, et s’inscrit lui-même dans la lignée de Gaspard et Joseph.
La force du roman loge dans son évitement du misérabilisme. Joseph, malgré ses choix difficiles, guidés par un mal-être insondable, est toujours en quête d’une manière de vivre, d’une façon d’habiter le monde, d’une sérénité, qu’il parvient à saisir. Merveilleusement beau et touchant.