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Le premier album de Bleu Death, projet solo d’Adrien Durand, est une réussite totale – et inattendue, car on ne s’attend jamais à ce qu’un ami publie l’un de vos disques préférés de l’année. Il y a ici une obscurité, qui n’est pas contrebalancée par des passages lumineux, mais par des pas de côté, des instants fugaces, où l’énergie, la beauté et l’espoir surnagent, sans jamais remporter la bataille.

L’énergie, la beauté et l’espoir surnagent, sans jamais remporter la bataille

« The Hunt », premier titre du disque et single en puissance, illustre parfaitement cette idée. Après une introduction et un couplet qui s’inscrit dans la lignée de Joy Division, une bascule s’opère avec l’apparition d’un orgue électronique. Sans nier sa noirceur, le morceau est électrisé par un enthousiasme magique, qui peut aussi bien rappeler New Model Army qu’Arcade Fire. Les chansons se retrouvent au confluent d’influences – post punk, dark folk, indie rock… –, qui forment un tout cohérent et spontané. On n’a jamais l’impression d’assister à un collage de genres. Qui plus est, la voix d’Adrien Durand – ex-chanteur de Jordan, groupe de hardcore français que je chérissais –, sans jamais convoquer les cris, conserve une tension, comme s’il maintenait toujours ses paroles au bord de l’explosion. Au niveau des textes, l’ambiance est grungy, emplie d’errances, de constats sur les fractures humaines, et de références pop et artistiques – cf. « Stephen King (The World Is Full of Crap) » et le coeur en métal de l’artiste plasticien américain Richard Serra, chanson dans laquelle on a l’impression de se retrouver à Twin Peaks.

Un disque magnifique, généreux et accessible, tout en regorgeant de mystères et de zones d’ombre

Parce qu’il est seul aux manettes – il compose, joue de tous les instruments et chante –, Adrien Durand peut déployer tout son univers personnel, sans contrainte et sans limites. Ce qui est passionnant, c’est de voir combien Bleu Death et Holy Shit résonnent avec son roman Cold Wave (Le Nouvel Attila, 2023), et avec la ligne éditoriale de sa maison d’édition, Le Gospel, toujours en quête d’une littérature de la marge où prévalent l’intime et les expériences aux bornes des normes sociales. Il y a là une démarche globale, où le fond – l’authenticité, l’exploration de ses failles et de la difficulté pour chacun de trouver sa place dans le monde – s’accorde parfaitement avec la forme – une démarche DIY et le désir de créer soi-même, tout en étant un catalyseur pour le travail des autres.

Holy Shit est un disque magnifique, généreux et accessible, tout en regorgeant de mystères et de zones d’ombre. Cela fait longtemps que je le dis, mais Adrien Durand, en tant qu’écrivain, essayiste, musicien et éditeur, est définitivement pour moi une des personnalités les plus passionnantes de l’univers créatif français.

En écoute sur Bandcamp.