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The Nice Guys : Ryan Gosling, corps burlesque

Film présenté le dimanche 15 mai 2016 en sélection officielle du 69ème festival de Cannes (hors compétition). Sortie nationale le même jour.

Par Alexandre Mathis, le 16-05-2016
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2016' composée de 20 articles. En mai 2016, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu'aux allées de l'ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Dès l’ouverture de The Nice Guys, une interrogation centrale se pose : comment les années 70 américaines seront moquées ici ? Plusieurs options viennent à l’esprit. La première : The Nice Guys hérite de la saga L’Arme Fatale et l’applique à la décennie précédente, à savoir deux flics que tout oppose sont forcés de travailler ensemble. Et évidemment, ils finissent par devenir les meilleurs amis du monde. Il y a un peu de ça dans le duo Gosling-Crowe, détectives privés maladroits, s’embarquant dans une étrange affaire de starlette du porno disparue. La première rencontre entre les deux buddies donne lieu à un cassage de gueule en règle de Holland March (Ryan Gosling) par Jackson Healy (Russell Crowe). Et ce n’est pas trop en dire qu’en fin de compte, ils deviennent inséparables. Reste que le schéma de L’Arme Fatale n’est qu’un lointain cousinage, il faut chercher ailleurs.

La seconde option est à peine plus convaincante : la parodie aux traits forcés. Certes, le film joue sur les clichés de l’époque. Nous sommes dans une Amérique des hippies, des soirées dans des villas bling-bling, des costards over-the-top et de la paranoïa post-Nixon (ce qui donne lieu à un gag assez délicieux). Son générique à la police de caractère très funky et sa musique aux allures de sous-Quincy Jones attestent d’une envie d’aller lorgner vers la parodie au décorum chiadé. Mais il y avait déjà un peu de tout ça dans le très perché Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, film tenant plus de l’hommage sous acides que de la parodie. Sauf qu’à l’évidence, le film de Shane Black ne partage que peu de points communs avec le PTA. Seconde fausse piste.

C’est en regardant Ryan Gosling que les lignes s’éclaircissent. À l’aide d’une espèce de mélange entre le look stylisé de Drive et surtout son potentiel comique entraperçu dans Crazy Stupid Love, Gosling impose le rythme du film. Il pousse son jeu dans des retranchements qu’on ne lui connaissait pas, lui qui est si souvent accusé d’être mono-expressif. Non pas que Russell Crowe soit mauvais, mais le blondinet a plus d’un tour dans son sac. Arborant une moustache du plus bel effet, il est un digne héritier de l’Inspecteur Clouseau de La Panthère Rose. Dans le pure ligne edwardsienne, Gosling tombe, se cogne, crie comme un petit animal et amorce toutes les catastrophes. Et comme les personnages de Peter Sellers, il initie le mouvement, le refrène, l’accélère et le dénoue. En vrac, Gosling prend une torgnole, tire n’importe où, fout une voiture dans un arbre, tombe dans une piscine, puis sur un toit de verre. Comme chez Edwards encore, il est souvent ivre, il rampe, s’endort, se réveille dans une baignoire remplie d’eau. Tout cela masque mal une mélancolie profonde en lui : celle d’un père célibataire, qui cherche à rendre fier sa fille. C’est aussi l’histoire d’un homme qui culpabilise et qui refuse de se faire traiter de « pire détective du monde », titre auquel il pourrait pourtant concourir.

Shane Black fait la part belle à ce corps burlesque, capable de littéralement se plier en quatre pour les besoins du film.

Shane Black fait la part belle à ce corps burlesque, capable de littéralement se plier en quatre pour les besoins du film. Mieux encore, ce presque-inspecteur-Clouseau ne comprend jamais rien à rien. Il ne voit pas la perversion qui rode autour, se fout des manigances et quand quelqu’un est méchant, il est simplement un Hitler. Ce gentil con se ramasse même quand il fait preuve d’intelligence : alors que sa fille désespère de sa stupidité, il dévoile le sens caché d’un post-it. S’en suit un plan sur la fille, enfin admirative du paternel. Scène suivante : on découvre que le détective s’était complètement planté et que le sens premier du mot était le bon.

The Nice Guys est vraiment un film généreux. Il y a de l’explosion, de la violence, des moqueries, son lot de références méta et une intrigue assez folle pour faire partir le film dans tous les sens. Cela s’accompagne de quelques trous d’air et des dialogues un peu inégaux. Mais cela faisait combien de temps qu’une comédie américaine n’avait pas à ce point réussi à mêler action et humour ? Et Shane Black, qu’on pensait sérieusement avoir perdu avec son immonde Iron Man 3, ravivera à certains les bons souvenirs de Funky Cops, série animée où la parodie se mêlait de la même manière à l’action. Reste que le plus fort dans The Nice Guys, c’est que Gosling est plus cartoonesque encore que le dessin animé.

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