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Arctic : survivant modeste

Présenté le jeudi 10 mai en sélection officielle hors compétition (séance de minuit). Durée : 1h37. Sortie : 5 décembre 2018.

Par Esther Buitekant, le 12-05-2018
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2018' composée de 24 articles. En mai 2018, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

Le film de survie répond à un cahier des charges précis : le personnage principal, un homme la plupart du temps, affronte les éléments déchaînés d’une nature hostile, une attaque de zombie ou la fin du monde. Pas ou peu de dialogue, des péripéties vraisemblables ou non et généralement un happy end., le seul enjeu étant bien évidemment la survie du héros. L’histoire d’Arctic ne révolutionne pas le genre et tient en une phrase : un pilote dont l’avion s’est écrasé sur la banquise lutte pour rester en vie. Réalisé par Joe Penna, youtubeur brésilien star dont c’est le premier long-métrage, le film a été présenté à Cannes en séance de minuit, créneau habituellement réservé aux films de genre et promesse de projections électriques. Si Arctic n’est pas révolutionnaire, il propose néanmoins un intéressant renouvellement du genre. Tournage en 19 jours et budget limité participent certainement à cette épure stylistique et cette économie démonstrative bienvenue. Le film commence alors que la catastrophe a déjà eu lieu. Pas de crash spectaculaire ou d’explosion tonitruante mais seulement l’immensité du monde blanc et la solitude d’un homme. 

Le film se concentre dans son premier tiers sur l’étonnante routine à laquelle se contraint le naufragé, brillamment interprété par l’acteur danois Mads Mikkelsen. Manger (froid), tenter de faire fonctionner la radio, pêcher, dormir, puis recommencer à nouveau ce cycle jour après jour. Joe Penna prend le temps de filmer les petits gestes de ce quotidien hors-norme. On se demande un temps comment le film va tenir pendant 1h30 avec si peu. Mais cette répétition est là pour illustrer l’indifférence de la nature, sa cruelle ironie. Une ironie qui atteint son paroxysme lorsque l’hélicoptère venu secourir le naufragé s’écrase à son tour. Et voici notre héros désormais accompagné d’une autre survivante (Maria Thelma Smáradóttir) très mal en point qui passera le reste du film sanglée dans une civière. Elle ne peut pas l’aider mais il n’est plus seul.

Les deux s’embarquent alors dans la marche de la dernière chance vers une station de secours, petit point sur la carte par-delà les crevasses, la glace et les ours polaires. Le film ne nous épargne pas quelques poncifs et on peut cocher les unes après les autres les péripéties attendues qui frappent successivement le pilote. Mais Mads Mikkelsen, acteur magnifique, nous emporte. Tout entier jeté dans la lutte, le guerrier silencieux de Nicolas Winding Refn, quasiment muet une fois encore, donne au film son humanité et sa force. Si son corps porte les stigmates de son calvaire, si on devine que le découragement le guette, notamment lors de tentatives désespérées pour gravir une colline infranchissable, il demeure d’une candeur et d’une douceur inattendues. Juste un type bien, en somme.

La voix et le phrasé si caractéristiques de Mads Mikkelsen, ses soupirs et ses larmes, façonnent un beau personnage d’homme, pas de héros. Parce que survivre ne demande ni héroïsme ni intervention divine, mais simplement de la rigueur. Premier long-métrage maîtrisé porté par un acteur généreux, Arctic est un film simple, presque minimaliste. Un film imparfait mais qui ne triche pas, et ça fait du bien.

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