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Teret (La Charge) : le salaire de la peur

Présenté le samedi 12 mai à la Quinzaine des Réalisateurs. Durée : 1h34.

Par Thomas Messias, le 15-05-2018
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2018' composée de 24 articles. En mai 2018, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

1999. L’OTAN mène l’opération Force alliée, bombardant la Serbie suite au massacre de Račak, au cours duquel la police serbe avait délibérément massacré une quarantaine d’Albanais du Kosovo. Pendant trois mois, de mars à juin, les raids aériens vont se multiplier. En Serbie et aux alentours, le climat était délétère avant, et le restera après. C’est dans ce contexte que Vlada, un chauffeur de poids lourd entre deux âgées, se voit confier une mission ; acheminer un camion du Kosovo jusqu’à Belgrade, la capitale serbe.

La singularité de cette mission est liée aux consignes données à Vlada et aux autres chauffeurs qui, comme lui, ont accepté de l’effectuer. Interdiction d’ouvrir l’arrière du camion. Interdiction de s’arrêter. Interdiction de savoir ce qu’ils transportent. Ce n’est pas la première fois que Vlada fait ça. Il le fait pour l’argent, pas par gaieté de cœur. Et le regard soucieux de cet homme qu’on imagine pouvoir être un type bien ne laisse guère de doutes : il sait. Il sait qu’à l’arrière, et vu le contexte, cette mystérieuse charge est forcément emplie de ténèbres.

Spécialiste du documentaire, le réalisateur Ognjen Glavonić signe ici sa première fiction, éligible à la Caméra d’Or puisqu’il n’avait jamais tourné de long-métrage auparavant. D’emblée, Teret frappe par le juste équilibre esthétique qu’il parvient à trouver : ne rien cacher de la laideur grisâtre d’un pays abimé, ne pas sombrer dans le misérabilisme, ne pas chercher le beau là où il n’existe pas. Il en va de même pour le traitement du sujet : à l’image de son personnage principal, dont l’économie de mots est une force, Glavonić n’en fait jamais trop, sans pour autant réduire son cinéma à un art de la suggestion. Partant du principe que les gens et les films les moins bavards sont ceux qu’on écoute le plus attentivement quand ils ont quelque chose à dire, Teret crée un effet de sidération lorsqu’il s’exprime enfin.

Le film semble à l’image de la zone géographique dans laquelle il se déroule : il passe par des étapes sordides mais ne s’y arrête que temporairement, préférant regarder vers l’avenir sans pour autant oublier les images du passé. Teret semble finalement se détacher de son sujet, allant s’intéresser au cercle familial de Vlada, mais c’est pour mieux décrire l’inquiétude permanente qui, en toile de fond, tape dans le crâne de celles et ceux qui continuent à essayer de vivre là dans un semblant de dignité.

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