Il pleut sur la parade de Lucie-Anne Belgy : les identités recomposées
Publié le 21 août aux éditions Gallimard
Lucie est née dans une famille catholique, avec une mère qui a coupé les ponts avec la religion, après de mauvais traitements subis par sa fille. Jonas, lui, vient d’une famille juive ashkénaze, avec un père qui a trouvé Dieu, au moment du décès du sien. De l’union de Lucie et Jonas est né Ariel, un jeune garçon qui a 5 ans aujourd’hui, et qui ne réussit pas à trouver sa place au sein des autres enfants. Incapable de gérer ses frustrations, il est dévoré par des crises de jalousies, ne supporte pas qu’on le rejette, et se montre violent envers ses camarades, au point que lui et ses parents se retrouvent mis au ban de la société. Que dit le comportement d’Ariel de son histoire familiale ? Qu’est-ce que Lucie et Jonas lui ont-ils transmis contre leur volonté ? Les croyances, l’absence de croyances et le rejet de croyances planent sur le roman, alors que Lucie et Jonas ne conservent de celles-ci qu’une approche strictement culturelle. Être catholique ou être juif ne signifie pas pour eux croire en Dieu, mais ancre leur identité, et trace un chemin, où, sans marcher dans les pas de ses ancêtres, il ne faut pas perdre de vue leur sillon.
Dans Il pleut sur la parade, son premier roman, Lucie-Anne Belgy creuse la question vertigineuse des traumatismes que l’on transmet à nos enfants, et des mauvaises décisions que l’on prend en matière d’éducation, en croyant bien faire. On y trouve des questionnements psychologiques, un regard sur les thérapies pour enfants, et une exploration des peurs qui se transmettent par l’ADN, avec en filigrane l’idée qu’Ariel pourrait porter en lui le poids de la Shoah. À ces interrogations, Lucie-Anne Belgy n’offre aucune réponse toute faite, et fait preuve d’humilité face à la complexité de la vie où il y a trop de paramètres en jeu, pour résoudre les problèmes, en jouant sur un seul indicateur – ce qu’aurait adoré pouvoir faire Lucie, l’héroïne.
Les personnages sont au bord de la rupture, mais ne perdent pas de vue leur objectif : accompagner Ariel, et être, dans la mesure du possible, des personnes descentes. Sans complaisance, mais aussi sans donner de leçon, Lucie-Anne Belgy tâtonne pour trouver la voie du milieu, loin des convictions inflexibles et des avis tranchés. Elle propose de naviguer entre ses héritages, tout en les adaptant à la modernité, pour n’en conserver que ce qui peut soutenir et aider. En réfléchissant sur ce qu’on leur a transmis, Lucie et Jonas révèlent la seule chose qui compte : ceux qu’ils vont, eux, transmettre. Une réussite pour un résultat sensible et humble.