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Bob Mould #2 : New Day Rising

Par Ulrich, le 23-03-2012
Musique
Cet article fait partie de la série 'Bob Mould' composée de 5 articles. L'équipe de Playlist Society raconte son histoire avec Bob Mould de Hüsker Dü. Voir le sommaire de la série.

Que Dieu bénisse la génération MTV, dont je fais partie. Sans elle, nous n’aurions jamais eu le droit de participer à des festivals de rock indie et ensuite ne serions jamais allés nous pinter la gueule pour oublier les prestations minables que nous venions de voir. Sans elle, nous n’aurions pas porté un mouvement jusqu’à sa consécration un jour de 1991. Oui, que Dieu bénisse ma ma ma… génération. Grâce à elle où à cause d’elle, j’ai acheté New Day Rising de Hüsker Dü, comme anti-dépresseur. C’était en 1991, je connaissais vaguement Bob Mould – son groupe Sugar sortirait Copper Blue l’année suivante et j’étais à mille lieux d’Hüsker Dü. Ça faisait longtemps que j’avais choisi mon camp dans le hardcore. J’étais un jeune godillot de la scène de Washington, mon tatouage au coeur se nommait Fugazi et je n’avais quasiment d’oreilles que pour ce groupe. Oui, merci la génération MTV, grâce à elle, je pus tourner le dos à la scène Grunge pour me consacrer uniquement aux fondamentaux du hardcore et redécouvrir certains groupes que j’avais dédaignés du haut de ma morgue.

Lorsqu’on fréquente assidûment cette scène, forcément on a entendu parler des Hüsker Dü, forcément on les a croisés avec d’autres groupes sur quelques scènes improbables. Il fallait être idiot pour ne pas adhérer à leur force sauvage et brutal. Leurs premiers disques étaient des mini-bombes à retardement, où seule la rage servait de guide pour se repérer parmi ce magma électrique. Il suffit d’entendre leur album Everything Falls Apart pour se convaincre que ces trois-là en avaient derrière le manche.

Puis un jour, il y eut Zen Arcade et Pink Turns To Blue. L’EP Metal Circus aurait dû déjà me mettre la puce à l’oreille. Je n’avais pas fait attention à cette évolution pop, ils avaient voulu essayer autre chose mais, vu la teneur hardcore du reste de l’EP, ils restaient fidèles à la ligne du parti. Je faisais partie, à mon corps défendant, du canal historique de Hüsker Dü et comme tout jeune con fanatique, il était hors de question qu’ils changent de fusil d’épaule. Mais ce virage pop fut par la suite clairement assumé. Mon divorce fut clairement consommé lorsqu’ils signèrent chez Warner. Bon an mal an, je les avais suivis de loin mais fus horrifié par cette évolution musicale et jurais au Dieu Punk que vraiment il aurait pu éviter de nous infliger cette ultime humiliation. Du punk pop ! Et puis quoi encore ? Et pourquoi pas du punk reggae ? Ha merde, ça existait déjà.

Cette dernière trahison fit que je tournais totalement le dos à ce groupe pour m’occuper de ceux qui avaient encore une âme suffisamment indépendante pour ne pas être attirés par le chant des sirènes des Majors. Je n’écoutais plus du tout Hüsker Dü et rangeais leurs disques au rayon archive de mon existence, me concentrant sur l’autre groupe du Minnesota, The Replacements. Jeune, con et fanatique mais punk avant tout.

Jusqu’en 1991.

Cette année-là, ma radio fut saturée de sons qui, d’habitude, étaient réservés à l’enceinte de mon appartement d’étudiant et émanaient de mon combo. L’insurrection musicale de ces dernières années semblait s’embourgeoiser. Nirvana à la radio et sur MTV, c’était instrumentaliser la mauvaise humeur, les guitares qui vous disent merde et la rage du son. J’avais dû louper un épisode, mais l’adoption du grunge par le système ne me paraissait pas une si bonne idée que ça sur le coup. Ça ressemblait plus à une ultime mise au pas d’un genre qui avait glissé comme une savonnette entre les mains de l’industrie musicale pendant 15 ans. Je ne partageais pas l’avis de la journaliste Gina Arnold qui célébra le succès de Nirvana et du grunge, par un “We won”. Ce succès sonnait comme une défaite.

Pour noyer ma déprime, je fis que ce tout bon dépressif faisait, je filais chez mon disquaire pour m’acheter un album, si possible quelque chose de fort et de bruyant.

New Day Rising.

Le titre m’interpella, la pochette du soleil levant avec ces deux chiens pataugeant dans la mer avec un gros Hüsker Dü  me fit sourire.

New Day Rising ou comment renouer les fils cassés avec un groupe que j’avais largement méprisé.

New Day Rising comme morceau d’intro, avec Hart qui, d’entrée, explose sa batterie ; Mould qui s’arrache la peau des doigts sur un riff ravageur. En quelques secondes, on passe d’un état nerveux tranquille à une tension extrême.

Le titre répondait, à cet instant précis, à une furieuse envie : celle de fracasser ma radio et son hymne du moment “Smells like teen spirit” contre un mur. Je revendiquais mon appartenance à une catégorie marginale de la population ; je refusais d’appartenir à cette nouvelle grande famille qu’était le grunge, à cette génération à qui on avait infligé cette lettre X ; j’emmerdais avec un E majuscule toute cette récupération qui, j’en étais sûr, finirait mal pour tout le monde.

New Day Rising martelle Bob Mould. L’aube s’est levé sur un courant musical, l’Amérique découvrait ces jeunes, à la mine grisâtre, des messieurs tout le monde, qui en quelques riffs crachaient leur mépris du mythe américain. Kurt Cobain, Bob Mould, Grant Hart… C’est vous, c’est eux, c’est moi. Des gars qui, au fond de leur banlieue ou quartier pourri, sonnaient la charge de la rebellion.

Une nouvelle journée commence, il bruinait cette pluie fine qui vous traversait le corps de part en part. J’ai acheté New Day Rising, j’ai scotché la pochette durant quelques jours au-dessus de mon bureau et écouté à en avoir mal aux oreilles ce mantra nerveux de Hüsker Dü.

New Day Rising
New Day Rising
New Day Rising
New Day Rising
New Day Rising
New Day Rising
New Day Rising

Le seul et unique anti-dépressif efficace à Smells like teen spirit. Il a suffit d’un titre pour me raccrocher au wagon Hüsker Dü et par effet domino, je découvris d’autres groupes de la même mouvance. Et j’ai pu enfin me fendre d’un virulent doigt d’honneur envers cette génération MTV biberonnée aux clips bidons et creux. Oui, que Dieu la bénisse !

***

L’intégralité de la série Bob Mould :

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