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Bob Mould #3 : Never Talking To You Again

Par Olivier Ravard, le 06-04-2012
Musique
Cet article fait partie de la série 'Bob Mould' composée de 5 articles. L'équipe de Playlist Society raconte son histoire avec Bob Mould de Hüsker Dü. Voir le sommaire de la série.

A cause du folk, j’ai une relation à la guitare acoustique que l’on qualifiera sobrement de “compliquée”.

La guitare acoustique constitue l’instrument de prédilection du folk, or le folk – ou la folk, tout ça m’est bien égal –  constitue l’un des genres musicaux les plus inintéressants du vingtième siècle. Et désormais du vingt et unième siècle, la faute à une palanquée de chanteurs d’âneries confondantes de morosité qu’il est d’usage de considérer comme “sensibles” (le métal symphonique instrumental constitue également un genre musical atroce, mais comme il n’a aucun rapport avec Hüsker Dü, je ne m’étendrai pas sur ses méfaits).

La plupart des artistes fondant leurs mélodies sur des guitares non branchées me font peur aux oreilles. La hantise de l’ennui. Je suppose que ce comportement peu rationnel est dû aux trop longues soirées passées à essayer de comprendre l’intérêt de Bob Dylan lors de traditionnelles prises d’otages folk organisées par des amis cultivés et sensibles, donc fascinés par l’art désormais fondateur du ménestrel folk qui nous a valu tous ces machins lo-fi enregistrés avec les pieds et ayant pour vocation d’ouvrir les consciences des étudiants en école de commerce trop calmes pour écouter du hardcore punk.

MAIS CE N’EST PAS LE PROPOS.

Enfin si, c’est un peu le propos tout de même puisque Hüsker Dü est censé avoir posé les bases du hardcore punk tout en ayant eu l’intelligence – ou la sensibilité, tout ça m’est bien égal –  d’enregistrer l’un des trop rares morceaux acoustiques non ennuyeux. En l’occurrence “Never Talking To You Again”.

“Never Talking to you again” est une excellente chanson acoustique non ennuyeuse déroulant une mélopée implacable sur laquelle la voix plaintive de Grant Hart, batteur du trio, apostrophe un(e) ex ami(e) pour lui signifier avec fermeté qu’il ne lui adressera plus la parole, parce que ça va bien comme ça. C’est une très bonne idée de sujet pour un morceau acoustique puisque ça ne dénonce rien (les folk songs qui dénoncent sont évidemment les pires, puisque les paroles en sont importantes). Les choeurs ne sont pas au cordeau et il semblerait que la rythmique des guitares ne soit pas toujours impeccable, ce qui donne à la chanson un aspect légèrement cabossé qui lui va très bien. En fait, on jurerait que le groupe a enregistré “Never Talking to You Again” comme s’il enregistrait l’une de ses meilleures cavalcades punkoïdes. Ils ont simplement délaissé la section rythmique et négligé de brancher les guitares. Du coup, forcément, le bazar est expédié en moins de deux minutes. Heureusement, Hüsker Dü compose de bonnes chansons, ce qui nous épargne l’écoute d’un morceau de punk acoustique aussi expérimental que mal foutu.

Je sais que, dans le cadre de cette série Bob Mould, il peut sembler incongru d’avoir choisi, parmi tous les morceaux composés par Bob Mould, un morceau composé et chanté par Grant Hart, l’autre moitié pensante de Hüsker Dü. Je sais. CECI DIT, même si je n’en ai pas la certitude absolue, je suis convaincu que Bob Mould jouait de la guitare sur ce morceau. Ou faisait les choeurs. Et à supposer que Bob Mould ne faisait rien de tout ça, je suis certain qu’il a validé ce morceau. Et même s’il n’a pas validé ce morceau, il a accepté qu’il figure sur l’album, et il a peut être même donné son avis d’une façon ou d’une autre, à moins que Bob Mould n’ait jamais écouté Zen Arcade passés les deux premiers morceaux, ce qui me semblerait pour le moins surprenant de la part d’un artiste de cette envergure.

Quoi qu’il en soit, “Never Talking to You Again” ne dure qu’une minute quarante. Soit 100 secondes. C’est très peu, loin d’être assez pour un pensum, et c’est très bien comme ça. C’est même exactement pour cette raison que l’oeuvre acoustique d’Hüsker Dü s’avère épatante à l’écoute : on n’a pas le temps de s’y ennuyer. La plupart des groupes qui souhaitent inclure un morceau acoustique sur un album finissent par accoucher de ce que l’on a coutume de nommer poliment une “ballade” mais que la plupart des amateurs connaissent sous le terme de “morceau chiant de fin de face”. Lorsque il est placé dans le contexte d’un double album concept, la probabilité pour qu’un morceau acoustique constitue une interminable ballade de remplissage est d’environ 98,7 %. On mesure à la lecture de cette statistique l’exploit que représente “Never Talking To You Again”.

“Never Talking to You Again” constitue le troisième titre de Zen Arcade, double album concept d’Hüsker Dü dont la principale qualité, outre son caractère inusable, s’avère de n’avoir pas du tout l’air d’un double album concept, puisqu’on ne s’y ennuie jamais, malgré les 23 titres composant le tracklisting. A condition d’apprécier le hardcore punk mélodique des origines, cela va de soit.

La pochette de Zen Arcade n’est pas défendable : c’est une sorte de photo des trois membres du groupe posant mains dans les poches dans une casse automobile, le tout colorié aux crayolas. C’est suffisamment laid pour être raté et ça ne donne pas du tout envie d’écouter l’album (qui voudrait s’atteler à la découverte d’un double album concept dont la pochette semble avoir été dessinée par l’un de ces lycéens griffonnant leur mal être sur leur cahier de texte entre deux équations du second degré ?). C’est précisément l’une des caractéristiques fascinantes d’Hüsker Dü : une esthétique merdique qui n’affecte en rien les immenses qualités de leur musique.

Les photos d’époque parlent d’elles – mêmes : Hüsker Dü composait de sacrées bonnes chansons mais il est avéré que ses membres se moquaient totalement de leur apparence. C’est pourquoi Hüsker Dü se situe à l’exact opposé des demeurés de Mötley Crüe sur le spectre du rock distordu, et ce malgré l’usage du double umlaut, commun aux deux formations.

De fait, les membres d’Hüsker Dü ont plus l’apparence de chauffagistes ordinaires que de rock stars inadaptées. D’un point de vue strictement physique, il peut être admis qu’Hüsker Dü n’avait aucun intérêt.

Plus problématique : lors de la sortie de Zen Arcade, la moustache de Greg Norton, bassiste d’Hüsker Dü, rappelle sans équivoque les attributs pileux de Paul Rutherford, le danseur inutile de Frankie Goes To Hollywood, au moment même où Frankie se trouve aux sommets des charts anglais. Malaise.

Ce qui nous amène à préciser que Zen Arcade est sorti en 1984, soit durant l’année de parution du “Wake Me Up Before You Gogo” de Wham, du “Look That Kills” de Mötley Crüe, et du fameux single du collectif Band Aid, “Don’t They Know It’s Christmas? “.

Pendant que Hüsker Dü enregistrait “Never Talking To You Again”, Van Halen enregistrait “Jump”. Van Halen m’a dégouté des pantalons à poutre apparente, Hüsker Dü m’a réconcilié avec les chansons acoustiques.

***

L’intégralité de la série Bob Mould :

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