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2007 – 2008. Allemagne : Les Années noires est une exposition historico-artistique à mi-chemin entre deux mondes. Là où une exposition classique aurait affiché au milieu des œuvres des notes explicatives, des commentaires détaillant la vie des artistes et le sens de leur démarche, il n’y ici que des textes détaillant la première guerre mondiale : ses batailles, ses tranchées, ses dénouements destructeurs. Là où un musée historique classique aurait agrémenté ses textes de photos du front, de cartes, de maquettes et de témoignages, il n’a ici que la vision des artistes allemands. Dès le départ cette ambivalence séduit car on est vite désarçonné par le rôle de l’artiste. Car si ce dernier doit rendre compte des atrocités via ses œuvres, il n’est pas pour autant un journaliste, un reporter de guerre sensé couvrir un conflit, non l’artiste ici est avant tout un soldat qui combat et qui a du sang sur les mains. De ce fait replacer le conflit au cœur de l’art (ou inversement) est plus que pertinent. Dès la série des 50 gravures d’Otto Dix, on ressent bien tout le malaise de la guerre. Par exemple, « Sentinelle morte dans la tranchée » représente-t-elle la mort d’un camarade de Dix ou celle d’une de ses victimes ? Ces artistes, majoritairement pacifistes, se sont retrouvés au front à tuer, à blesser ou à se faire blesser, ils ont été acteurs et une profonde détresse, qu’elle s’exprime par la noirceur ou par la caricature, ressort de leurs dessins. Et puis la violence, ici, est réelle, il ne s’agit pas d’un effet de style, d’un artifice et cela change tout. Au milieu des œuvres magnifiques (« La Lune au dessus du pont du métro aérien à Berlin » de Ludwig Meidner ; « La ville » de Jakob Steindhart), on retrouve tous ces petits dessins, ces gravures, réalisés avec les moyens du bord : sur feuilles volantes, sur cartes postales, avec des pierres noires, des crayons sépias, des mines de plomb : ce sont les vrais témoignages, jamais censurés de la première guerre. La deuxième partie de l’exposition est consacrée à l’Après-guerre, à la république de Weimar. On y voit le retour à une vie normale, avec des hommes qui n’ont pas forcément tiré leçon de la guerre, avec une ville qui cache ses mutilés et exhibe ses prostituées, avec des bourgeois qui s’enrichissent sur le dos de ceux que le conflit a ruinés. Puis l’exposition se finit sur « Rudolf Schlichter dans son atelier » de Grosz, un tableau touchant qui symbolise combien l’Allemagne semble alors perdue.

Note : 8/10