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VICKY CRISTINA BARCELONA de Woody Allen

Par Benjamin Fogel, le 13-10-2008
Cinéma et Séries

Woody Allen reste quand même un mystère. A 73 ans et 42 films à son actif, il continue de sortir un long métrage par an avec une inconstance en terme de qualité assez surprenante. Capable d’enchaîner un chef d’œuvre (« Match Point » en 2005) et une mauvaise blague potache (« Scoop » en 2006), s’aventurant vers des terrains qu’il maîtrise mal (« Le rêve de Cassandre » en 2007) ou se focalisant comme ici sur ce qu’il sait faire de mieux, il faut avouer qu’on ne sait jamais plus à quoi s’attendre en allant voir un nouveau Allen.

Ce « Vicky Cristina Barcelona », au titre charmant et aguichant, fait indéniablement parti des Allen de qualité. Tout d’abord, il s’agit d’un film frais et léger, plein de malice, au casting rêvé : Scarlett Johansson joue avec perfection l’insouciante insatisfaite, Rebecca Hall, la sérieuse en pleine remise en question est allenniene à souhait, quant à Penélope Cruz, si elle abuse de ses crises hispaniques, elle illumine ses scènes avec sa présence qui arrive presque à écraser la pauvre Scarlett. La majorité des critiques placent la réussite du film dans les qualités physiques de ce trio d’actrice, ils n’ont pas tout à fait tord. Si je ne suis vraiment pas du style à me laisser émouvoir par la beauté d’une actrice, il faut avouer que Woody Allen sait choisir mettre en valeur ses égéries, les imposant comme de véritables icônes. Un petit plus aussi pour Javier Bardem, méconnaissable après son rôle chez les Coen.

Au niveau scénario, comme je le disais, le réalisateur joue la carte de la sécurité en sortant une comédie pleine d’amour, de psychologie et de dramaturgie, bref ce qu’il sait faire de mieux. Ces histoires de sexe et d’amour s’entremêlent jusqu’au triolisme, sujet que Woody Allen traite avec facilité, sans aucune vulgarité, dans un Barcelone mis aussi bien en valeur que Londres, Paris ou Venise dans ses films précédents. Les dialogues sont savoureux, légèrement subversifs et le film fait souvent rire. Comme toujours le new yorkais sait jouer des clichés et proposer des personnages dont la caricature n’est mise en exergue que via des scènes et des remarques bien trouvées (cf le personnage du mari de Vicky). Entre coucheries et recherche du sens de la vie, il souligne l’impasse dans laquelle se trouve l’humanité lorsqu’il s’agit de faire son choix sur l’être aimé et d’opter pour la vie qui va avec.

Néanmoins, ce joli moment de détente ne va souvent pas assez loin et est soumis à quelques défauts inhérents. Premièrement, sur un sujet bien plus amoral que d’habitude, Woody Allen reste plutôt gentil et ne fait preuve que de peu de perversité – on est vraiment très loin de « Match Point » – et les éclats de rage ne débouchent jamais sur des drames passionnels comme si tout cela n’était au fond qu’un jeu, deux mois à Barcelone hors du temps qui n’auraient aucun impact sur la vie future des protagonistes. Deuxièmement, Allen reste paresseux en terme de réalisation, on sent que tout ce qui l’intéresse est de filmer ses dialogues sans artifices particuliers, en limitant les réflexions sur le cadrage. A part la scène avec les fondus où Vicky et Juan s’émeuvent devant la guitariste catalan, pas de quoi s’extasier. Dans le même ordre d’idée, on ne peut être que déstabilisé par le choix d’utiliser un narrateur extérieur et inconnu, un procédé propre à couper tout le rythme du film, ce qui arrive inexorablement dans la première demi-heure.

Du dialogue, de la finesse humoristique, des actrices parfaites s’opposent à un peu de facilité, à un manque d’ambition inhérent au fait de réaliser un film par an depuis quatre décennies, et à une réalisation parfois trop légère. Mais bon dans l’ensemble il y a vraiment de quoi s’amuser avec ce « Vicky Cristina Barcelona ».

Note : 7/10