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Le 14 juin 2008, mon pianiste de jazz préféré est décédé. Les raisons, les causes, les concours de circonstances n’ont que peu d’importance puisqu’il ne reste que le vide. Ca a été un coup dur, inattendu et poignant, un peu comme les morts de Jeff Buckley et d’Elliot Smith. Je ne ferais pas de couplet inutile sur l’importance que certains musiciens prennent dans nos vies, parce qu’il y a toujours une forme de vulgarité à attendre leur mort pour se lancer dans de telles déclarations. Esbjörn Svensson, fondateur et pianiste du Esbjörn Svensson Trio plus connu sous le nom de E.S.T nous a donc quitté alors que l’œuvre du groupe commençait enfin à être reconnue comme la dernière vraie évolution de la musique jazz.

« Leucocyte » n’est pas un album posthume, il a été finalisé dans son intégralité peu avant le décès de son leader. En ça, il n’est pas un testament mais bien le point d’orgue d’une discographie qui n’a jamais déçue. Alors certes, il pourrait paraître facile de dire que « Leucocyte » est le meilleur album du groupe et que ce dernier nous quitte sur son chef d’œuvre. Facile, oui mais pas complètement inexact. Si « Leucocyte » s’éloigne du jazz pop du merveilleux « Seven Days Of Falling », c’est pour mieux poursuivre l’évolution des précédents albums et tourner définitivement vers un jazz expérimental et sombre qui n’en oublie pas pour autant les mélodies troublantes. E.S.T évolue un peu à la même manière que Radiohead, il conserve ses atouts de base tout en repoussant les limites de sa musique.

Ainsi « Leucocyte » contient son lot de pépites, et expose à chaque titre un renouvellement impressionnant. Le premier titre « Premonition Earth » est ses 17,06 minutes au compteur déploie toute l’architecture de E.ST : une ligne de contrebasse chaude, des notes de piano égrenées qui se rapprochent de plus en plus pour former un tissu jazz puissant, le tout accompagné de la batterie tout en retenue de Fredrik Norén et finissant sur un pur chaos sonore. « Jazz » sur une intro angoissante rappelant les musiques Obsküre, Esbjörn Svensson Trio vient caller tous son savoir faire pour un titre énergique à la Bad Plus (l’autre gros groupe de jazz contemporain). « Still » est un titre d’ambiance, énigmatique au point qu’on se croirait dans un vieux Squarepusher ou chez Aphex Twin. Puis vient « AB Initio », un titre quasi indus, ou Dan Berglund maltraite sa contrebasse (est-ce bien de la contrebasse, je n’en suis même plus sûr) tandis que le piano rappelle les plages instrumentales de Nine Inch Nails. C’est sombre, c’est beau. « Ad Mortem » est totalement expérimental et déroute un peu l’auditeur en rendant E.S.T aussi difficile d’accès qu’un Sunn O))), une impression qui ne sera pas mise en cause par « Ad Infinitum » le dernier titre.

Certes ce « Leucocyte » est dans l’ensemble pas facile d’accès, mais il ne faut pas y voir un album d’intello recherchant l’expérimentation pour l’expérimentation. Tout a un sens ici, une signification, et c’est à ça qu’on reconnaît les vraies œuvres d’art.

Note : 9/10