Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

L’ECHANGE de Clint Eastwood

Par Benjamin Fogel, le 19-11-2008
Cinéma et Séries

29 films en 36 ans, quasiment une dizaine de chefs d’œuvres (« Bird », « Impitoyable », « Un Monde Parfait », « Mystic River », « Million Dollar Baby », le diptyque sur Iwo Jama »…), à 78 ans Clint Eastwood n’a vraiment plus rien à prouver, et pourtant il réside en lui une volonté incroyable de ne pas rendre les armes, de continuer à réaliser plus vite mais sans pour autant dégrader la force de ses plans, sans pour autant amoindrir la précision de sa mise en scène.

S’attaquer à une histoire vraie se déroulant dans le LA des années 30 permet à Clint Eastwood de relever une fois de plus le défi de la reconstitution. A ce sujet rien à redire, il maîtrise son sujet au point de transformer « L’échange » en un véritable hommage au cinéma américain de l’époque. Les personnages, les costumes, la direction d’acteur contribuent à recréer cette atmosphère particulière quitte à faire surjouer certains protagonistes.

Au niveau scénario, je n’ai jamais été fans de ces biopics qui illustrent le combat d’une femme qui s’est rebellée contre le système, et j’avoue que ce coté « Erin Brockovich », seule contre tous, m’a parfois légèrement agacé. Heureusement Clint Eastwood est un fabuleux conteur d’histoire qui ajoute une dimension dramaturgique dans la moindre de ses scènes et compense ainsi les passages obligés et un peu vus et revus de son scénario (les scènes de procès notamment) par des plans magnifiques jouant sur les contre-jours. Angelina Jolie, qui s’en sort à merveille, encore plus émouvante et crédible qu’une Kidman, est souvent magnifiée par la photographie et les jeux d’éclairage (scène dans la salle de bain, plan de profil dans la voiture). L’ambiance visuelle est ainsi toujours la force de Clint Eastwood, et il suffit de contempler les scènes de la grange qui transpirent la poussière pour comprendre que ce mec pourrait sublimer bien des histoires.

En revanche, plusieurs détails choquent, des détails qui ont tous la même finalité : tirer les larmes du spectateur via des procédés un peu gros. Le thème musical pour commencer est bien moins pertinent que les compositions jazz de Kyle Eastwood sur certains de ses précédents films. Ici les notes de piano dégoulinent comme dans n’importe quel pathos. Dans le même ordre d’idée, certaines scènes sont un peu too much, trop faciles. Je pense à deux scènes en particulier, celle du plan sur le dessin d’enfant dans la chambre, et celle où Angelina Jolie passe en bus devant l’ancienne école de son fils contemplant les enfants qui dévalent les marches, et s’attendant probablement à voir débouler le sien. Cela manque un peu de subtilité et il y avait bien d’autres moyens moins « attendues » pour transmettre la détresse de Christine Collins. Clairement, Clint Eastwood a fait preuve par le passé d’une finesse plus importante et d’un plus grand détachement envers les codes imposés de ce genre de film.

Ainsi, il ne s’agit pas d’un grand Eastwood, parfait sur le fond comme dans la forme, mais plus d’un joli film où le maître démontre une fois de plus son sain savoir-faire, un film de presque 2h30 qui se déroule selon un schéma de narration efficace et qui confirme la capacité inépuisable du réalisateur à raconter de grandes histoires. Mais comment ne pas attendre plus ?

Note : 6,5/10