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Ils ne nous ont pas pris en traître, personne n’a essayé de nous manipuler, personne n’a essayé de faire passer les choses pour ce qu’elles n’étaient pas. Non nul trâce de mensonge, bien au contraire on peut même dire qu’on était prévenu. Dafri et Richet s’étaient déjà longuement exprimés dessus en interview, la deuxième partie du diptyque Mesrine aborderait un ton complètement différent.

Et pourtant à la vision du film, on ne peut s’empêcher d’être perplexe, voir désarçonné. Mais qu’ont-ils bien voulu cherché à faire ? Si « L’instinct de mort » était un triller incisif et violent, « L’ennemi public n°1 » en est sa totale parodie. Oh pas une parodie lourde et ratée, non une vraie parodie qui transforme toute les situations en scène comique. De retour en France, après son escapade canadienne, Mesrine a gagné en confiance, il est devenu une sorte de rock star qui joue avec les journalistes et avec son image, bref il est devenu ce personnage si connu du gangster charmeur. Si Dafri et Richet ne voulait pas en faire un héros ou ne serait-ce que le rendre attachant, on peut dire que c’est plutôt raté. Car oui « L’ennemi public n°1 » c’est avant tout Vincent Cassel qui balance de la joke à la seconde, de la punch line en veux tu en voilà à faire pâlir Bruce Willis dans « Die Hard 3 », et des regards torves à chaque fois qu’un malheureux écorche son nom en le prononçant. C’est très simple, c’est tellement la déconne, qu’à certain moment on a l’impression de retrouver Vincent dans son rôle culte de « La Barbichette » de Kourtrajmé, et ce n’est pas la présence de son compère « Olivier Barthelemy » en prisonnier qui essaye de s’évader qui va nous faire penser le contraire.

Alors oui la majorité du temps, cet humour fait mouche et on rigole aux grandes emportés de Mesrine, à son manque de culture politique, à ses mots plus ou moins fins. On rigole aussi devant la tête effarée de Mathieu Amalric (toujours génial) ou devant la conviction de Georges Wilson. On rigole moins en revanche quand le film prend des allures de « La grande vadrouille » notamment dans la scène de la traversée de la rivière.

Car voilà le paradoxe de « L’ennemi public n°1 », le film a le cul entre deux chaises, à mi-chemin entre un cinéma ambitieux avec des couilles et une belle réalisation, et un cinéma franchouillard, avec ses acteurs de téléfilm (très mauvaise prestation d’Olivier Gourmet dans le rôle de Broussard) et ses moments de creux.

Alors oui, certains passages sont magnifiques, la séquence de fin qui explicite le choix du multi-cadrage du début de « L’instinct de mort » vaut l’attente, certains passages de violence n’ont rien à envier à personne, et la dernière image sur le visage christique de Mesrine avec le sang qui coule le long de ses cheveux est magnifique. Mais pourquoi ne s’être pas focalisé sur ce qui était l’intérêt du film : la personnalité à double tranchants de Jacques Mesrine ? Pourquoi en avoir fait un personnage lisse ? Pourquoi ne pas avoir chercher à mettre en valeur la complexité du personnage ? Tout simplement peut être parce que Mesrine n’était pas un personnage complexe et qu’il était juste devenu, dans la deuxième partie de sa vie, un sacré fanfaron bien éloigné de l’écorché vif qu’il était à ses débuts. Si tel est la cas la vérité en sort grandit mais pas le cinéma !

Le changement de ton est tel qu’il est presque difficile de toujours considérer le film comme un diptyque à moins de prendre celui-ci comme une dissertation fondée sur le modèle « Intro, thèse, anti-thèse, conclusion ». Alors à la question « L’ennemi public n°1 » est-il un bon film ? J’ai envie de dire oui parce qu’il possède une personnalité forte, un Vincent Cassel détonnant et qu’il y a un truc couillu dans le fait de réaliser une telle farce au sein de la deuxième partie d’un truc aussi sérieux et noir. Certes le film aurait pu être beaucoup plus mais il déploie néanmoins un charme certain.

Pour conclure, « L’instinct de mort » était un film à l’américaine réalisé à la française, alors que « L’ennemi public n°1 » est un film à la française réalisé à l’américaine. Très déstabilisant mais pas complètement désagréable au final.

Note : 7/10