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Après deux albums de folk merveilleux (« Hold A Match to a Gasoline World » et « Snowbeast »), Luke Temple abandonne son patronyme, forme un faux groupe, composé que de lui-même, et s’embarque pour une course au métissage passionnante. Aurait-il été challengé par le désormais fameux « Merriweather post pavillon ».

Comme pour se démarquer d’entrée de jeu, “Only Pieces” démarre sur une rythmique electro-tribale qui sait se jouer de la linéarité. Offrant une ambiance world qui va piocher sa force aux confins de la musique traditionnelle, on se dit que l’initiative n’aurait pas été reniée par un Damon Albarn. Prolongeant son discours avec “Fangela”, Here we go magic impose un son à la fois original et ambitieux, une sorte de folk remixé à la sauce Animal Collective.

“Ahab” absorbe l’auditeur via une instrumentation à la fois enjouée et triste, une sorte de funk dépressif , il y a une ambiance jazzy là-dessous, une démarche pas très éloignée de Grizzly Bear. On sent vraiment combien l’entité est unique et autonome, Luke Temple s’est métamorphosé en un monstre pluricéphale (un barbarisme que j’assume pleinement). Here we go magic est clairement un « groupe » et non le projet d’un seul homme qui aurait décidé de jouer avec sa (ses) personnalité(s), de sortir du carcan identitaire pour produire une musique différente sous un pseudonyme. Luke Temple s’est vraiment multiplié, il est dorénavant pluriel et a formé un groupe tout seul où joue sans calcul une musique abordée de manière complexe dans sa création mais pas dans sa commercialisation.

Malgré une légère baisse de niveau sur « Tunnelvision », comme si la présence de ses doubles mentaux canalisait les prémonitions mélodiques qu’il peut entrevoir lorsqu’il est seul sans sa tête, on se dit que ce titre reste tout de même largement au-dessus de la moyenne. Effectivement « Tunnelvision » a tout du joli single indé mais il lui manque le soupçon de folie qui habituellement rend épileptiques et imprévisibles les compositions du personnage. “Ghostlist” instumental à la limite du drone sert encore à souligner la rupture. Jamais Luke Temple ne se serait auparavant laissé emporté dans un tonnerre de bruit angoissant. Prenant dans la démarche mais nocifs en terme de plaisir d’écoute. “I just want to see you underwater” se laisse porter pas son beat vintage et s’impose comme une vraie invitation au voyage, une envolé vers l’univers particulier du groupe, de loin un des titres les plus importants de l’opus. “Babyohbabyijustcantstanditanymore” est une interlude qui a le mérite de mettre mal à l’aise et de rappeler à l’auditeur combien rien n’est acquis sur cet opus éponyme, mais qui sert surtout à introduire le djreedo de “Nat’s Alien”, un titre dont on attend après une courte introduction qu’il prenne son envol alors qu’au contraire il ne fait d’accentuer le sentiment de malaise provoquer par le titre précédent. Hypnotique et intriguant, “Nat’s Alien” n’en est pourtant pas moins ennuyeux. Enfin,”Everything’s big”‘ déploie une émotion sonore proche des plus grand tandis que la batterie semble lancer le défi à Luke de pousser encore plus loin son instrument vocale. Néanmoins malgré la beauté du titre, celui-ci ne justifie pas les deux précédents instrumentaux.

La construction de ce disque éponyme laisse perplexe : l’enchevêtrement des chanson, le choix de la tracklist, tout semble avoir été fait de manière hasardeuse. En fait « Here we go magic » ressemble au projet solo du chanteur d’un grand groupe, comme si Win Butler d’Arcade Fire ou Will Sheff de Okkervil River avient avait décidé d’expérimenter seul dans leur coin, loin des contraintes de la concession sociétale. 9 titres : 3 instrumentaux étranges, 2 bons titres et 4 pépites. Est-ce suffisant pour faire un grand disque ? Habituellement non, mais le patchwork, l’ambiance, la volonté de détruire les carcans de manière insouciante, de se rebeller sans même en avoir conscience confèrent à Here we go magic une résonance toute particulière qui prouve indubitablement que ce disque comptera pour moi en 2009.

Luke Temple est un personnage difficile à cerner mais dont, à l’image d’un Jonathan Meiburg ou d’un Antony Hegarty, il faudra dorénavant suivre la carrière avec application et curiosité.

Note : 8/10