Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

LOOKING FOR ERIC de Ken Loach

Par Benjamin Fogel, le 28-05-2009
Cinéma et Séries
L’histoire se répète, un teaser qui donne envie, la promesse d’une sombre noirceur ponctuée d’humour anglais, des critiques élogieuses… et moi qui une fois de plus me retrouve au ciné devant un Ken Loach, l’un des réalisateurs contemporains les plus surestimés. Tout commence donc avec cette bande-annonce excitante qui vend une promesse que le film ne tiendra pas, à savoir de longs et passionnants dialogues entre Eric Cantonna et un homme au bout du rouleau. C’est simple, cette BA est encore plus mensongère que la nouvelle pub TF1 qui précédait le film (et qui en soit est mieux réalisée et beaucoup plus drôle). Comme tous les films de Ken Loach « Looking for Eric » est un film sur la détresse humaine sous fond de misère sociale. Que l’angle d’attaque soit celui de la tragédie, du drame, de la comédie ou bien celui de psychologie magazine, Ken Loach refait inlassablement le même film. Mais le vrai problème de ce nouveau long métrage qui succède à « It’s a free world » vient du fait – qu’en plus d’accumuler les clichés et de simplifier au possible les traits de caractères des personnages secondaires – qu’il manque totalement de ligne directrice. C’est tellement décousu que ce n’est pas à un Ken Loach auquel nous avons le droit mais bien à trois films différents et non complémentaires.

1) « Loooking for Eric Cantona ». A ça pour le chercher on le cherche le Cantona. C’est vrai ça où est-elle passée la grande star du film ? Car si cette première partie du film est la plus conforme à la bande annonce – à savoir un homme au bord de la crise de nerf qui va s’inventer une relation imaginaire avec Cantona, afin de recevoir conseils et reprendre confiance en lui – elle n’en met pas moins rapidement en exergue la vérité : Cantona est plus une running joke que la thématique du film. Il apparaît peu et se contente de lancer ici où là un proverbe cantonien, (non sans humour et autodérision, il faut bien l’avouer). Même lors de la scène de danse où on s’attend à un grand moment entre les deux Eric, le film passe en mode flashback et Canto quitte à nouveau l’écran. C’est comme si le footballeur n’avait été présent que pour deux petits jours de tournages et qu’il avait fallu tourner au plus vite ses scènes.

2) « Looking for Lily ». A la fin de son premier tiers, le film prend une orientation complètement différente et se refocalise sur l’histoire d’amour entre Eric Bishop le héros et sa première femme Lily. Canto est censé faire le coach mais à part deux, trois conseils idiots et un jogging dans les bois pour garder la forme, il ne sera pas d’une grande aide. Non vraiment quelle idée brillante de Ken Loach de traiter en 45 minutes une histoire d’amour s’écoulant sur 30 ans. Ca ne donne pas du tout l’impression de voir quelque chose de bâcler. Ainsi de manière assez prévisible, on se retrouve encombré de dizaines de raccourcis scénaristiques, où le réalisateur invente des excuses psychologiques à son personnage comme dans une mauvaise parodie d’un Woody Allen. Même les sous-entendus sur la répétition des erreurs sont d’une lourdeur incroyable.

3) « Looking for Ryan ». Dans sa dernière partie « Looking for Eric » sombre tellement dans le n’importe quoi qu’on en reste abasourdi. Ryan, le beau fils d’Eric, traîne avec des caids et se laisse embarquer dans une sale histoire où il est obligé de cacher une arme au sein du domicile « familial » (j’ai mis des guillemets en hommage à la relation entre Ryan et son frère Jess complètement éludée dans le film). Eric Bishop essaye d’intervenir mais échoue (oui à 15 minutes de la fin, les conseils de Cantona n’ont pas encore porté leurs fruits), les flics débarquent, Lily est écœurée, bref c’est la merde et en plus il ne reste plus beaucoup de temps pour trouver une conclusion au film. Du coup, Ken Loach lance l’opération « Vaudeville » : Eric Bishop et tous ses potes fans de foot débarquent avec trois cars chez le caïd, en mode hooligans avec sur la gueule des masques à l’effigie de Cantona, tout ça pour lui repeindre la gueule en rouge et le menacer de mettre la vidéo de cette humiliation en ligne sur You Tube. Comme je le disais du pur vaudeville !

Alors oui, certes le résultat est moins catastrophique que si nous avions réalisé le même film en France. Là avec Francis Weber à la réalisation, Daniel Auteil qui aurait pris son chèque pour jouer le rôle du dépressif et David Douillet qui aurait essayé de prouver qu’il y avait une vie après le judo et qu’il n’était pas qu’un acteur de pub télé, on aurait eu le droit à du bon gros navet à la française où même la misère humaine aurait été prétexte à rigoler.

Enfin pour conclure, comme à son habitude Ken Loach véhicule des clichés et de la rhétorique de bas étage au point d’en devenir insultant. Ici le foot serait l’opium du peuple, les rares moments de bonheur accordé à un homme dans sa vie (c’est Eric Bishop qui le dit lui-même). Le foot rassemblerait les hommes, leur donnerait une raison de vivre et au final, il n’y aurait pas tant de raisons que ça de s’inquiéter. Je rappelle à ce stade que Ken Loach est censé être un réalisateur engagé sur les thématiques sociales. Ici, on a juste l’impression qu’il a baissé les bras.

Heureusement le film est sauvé par la prestation exemplaire de Steve Evets et par mon affinité avec les difficultés au sein du milieu postalo-postal. Ces deux éléments permettent quand même au film de récolter la modique somme de 3 points.

Note : 3/10