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VENGEANCE de Johnnie To

Par Benjamin Fogel, le 25-05-2009
Cinéma et Séries
Sans être un spécialiste de l’œuvre de Johnnie To – sa filmographie devant lorgner vers les 40 oeuvres – on peut dire que je suis avec passion l’oeuvre du réalisateur Hongkongais. Autant dire que l’annonce de Johnny Hallyday dans le rôle principal de son nouveau film m’avait, comme beaucoup un peu laissé pantois. Pas parce que je craignais que Hallyday n’y soit pas à sa place, mais plus parce que le décalage culturel et la manière dont le tout risquait d’être markété en France me rendaient perplexe. Car il faut bien le dire Hallyday chez To, c’est comme Michel Sardou chez Shinya Tsukamoto, le genre d’association aberrante que le cinéphile imagine improbable.

Pourtant, dès l’affiche ou la bande annonce, on sait que Johnny Hallyday tiendra son rôle avec talent et charisme. Clairement Hallyday n’est pas du tout « l’enjeu » du film, mais personne d’autres n’aurait pu tenir son rôle : Clint Eastwood aurait été trop cliché, Tommy Lee Jones trop cabotin, Al Paccino trop présent… Non « il » est l’homme du film, ce qui ne prouve en rien son talent d’acteur mais révèle la maîtrise du casting et le feeling de Johnnie To. Il est vrai qu’il est difficile de passer outre la présence du français dans ce film aux antipodes du cinéma produit dans nos contrées. Clairement la force de Hallyday n’est pas dans les dialogues, on sent le chanteur peu à l’aise avec ces derniers, il manque de conviction, de ton. Rien d’étonnant en ça, on ne s’improvise pas acteur comme critique (sic). En revanche, au niveau de la prestance et du charisme, il n’a rien à envier à personne, son visage, ses rides, son regard successivement vide et vif, en font une gueule qui se prête particulièrement bien aux gros plans. Perdu sous la pluie, dans un monde qui n’est pas le sien, dans un monde auquel il oublie peu à peu son appartenance, il déploie, protégé par son trench Burberry et le dyptique chemise blanche, cravate noire une aura que To sait particulièrement mettre en valeur.

Néanmoins « Vengeance » reste avant tout un film de Johnnie To, un film qui combine les deux passions esthétiques du réalisateur à savoir les flingues (cf « Elections ») et les parapluies (cf « Sparrow » ; toujours préférable aux colombes de John Woo). Fondée sur une histoire dont on ne peut pas spécialement venter l’originalité, « Vengeance » est avant tout un exercice de style prônant les gun fight interminables et la poésie de chaque instant. Un frisbee fluorescent qui déchire les ténèbres et annonce la mort, des nuages ombreux qui en fonction de leurs caprices ponctuent les coups de feu, des fuites en avant où les personnages réalisent des chorégraphies moins impressionnantes qu’ailleurs mais tellement plus belles et sincères, des chorégraphies qui se passent du cliché du bullet-time pour se focaliser parfois sur le western à l’ancienne, parfois sur les films de samurai…. tout est prétexte ici à la beauté du plan et à l’amour du cinéma.

Lorsqu’à la fin, que les coups de feu ont cessé, que Francis Costello a purgé les résidus de haine qui chancelaient encore dans sa mémoire défaillante, il reste une forme de plénitude, celle d’un homme qui n’a plus de souvenirs mais qui n’est pas pour autant perdu, celle d’un homme qui s’accapare des plaisirs simples, et ce sans complaisance du réalisateur. A quoi ça sert de se venger si l’on a oublié pourquoi l’on devait se venger ? Une belle question posée par ce film. Une question à laquelle Johnnie To préfère répondre par 1h30 de gun fight plutôt que par 30 min de dialogue.

La bonne nouvelle dans tous ça, c’est qu’entre « Vengeance » et « Looking For Eric » de Ken Loach qui sort mercredi prochain, ceux qui écoutent de la musique de merde et qui aiment le foot vont enfin avoir une bonne raison d’aller au cinéma ;)

Note : 8,5/10