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Après quatre albums aussi somptueux que différents (dont le chef d’oeuvre “Without you, I’m nothing” reste l’un des meilleurs albums des années 90), Placebo avait implosé en plein vol en 2006 suite aux déficiences de “Meds”, un cinquième album bâclé, peu travaillé où couplets et refrains s’enchaînaient sans la moindre prise de risques, un cinquième album si paresseux qu’il faisait sérieusement douter de l’avenir du groupe. Disons le d’entrée, “Battle For The Sun” fait tout son possible pour rétablir le cap : l’ambition est là ! Peut être même trop…

C’est un riff quasi métal qui ouvre “Battle For The Sun”. La batterie est lourde, très heavy, et “Kitty Litter” annonce clairement et avec honneur le changement massif qu’a connu le groupe : le remplacement du batteur d’origine Steve Hewitt par Steve Forrest. Placebo a l’air de montrer les crocs, de vouloir prendre sa revanche sur le mitigé “Meds”. “Ashtray Heart” confirme les premières impressions, “Battle For The Sun” sera rock ou ne sera pas. Cependant on sent dès ce deuxième titre le groupe trop catchy, essayant de rester unique tout en se rêvant fédérateur.”Battle For The Sun” se laisse tout d’abord porté par un riff blues/rock appuyé par un jeu de batterie élégant qui laisse peu à peu monter la pression. Le morceau ne tarde d’ailleurs pas à exploser pour finalement déboucher sur un refrain inattendu. A nouveau étonnamment violent et brutal, Placebo surprend. Ce titre eponyme est excellent et arrive même à réveiller les démons que l’on croyait endormis depuis “Without you, I’m nothing”. De la power pop ultra noisiy et émotionnelle, voilà le créneau dans lequel Placebo excelle ! Malgré une intro qui inaugure du meilleur, “For What It’s Worth” n’arrive pas à reproduire les émotions du précédent titre. Trop surproduit, le titre ne réussit pas à recréer le mur du son d’antan, mais reste plutôt sympathique, notamment grâce à ce mini interlude 8 bits qui aide le titre à redémarrer. Avec une alliance une fois de plus réussie des sonorité électroniques et des guitares, “Devil In The Details” s’annonce comme un joli titre mais prend rapidement trop de plaisir à se camoufler sous la grandiloquence pompière à laquelle Muse nous a si souvent habitué. Si “Meds” manquait de complexité, “Battle For The Sun” manque de retenue.

On décroche un peu sur “Bright Lights” la cause à des sonorités vulgaires qui desservent le chant de Brian Molko, et à une structure qui tourne en rond sur elle même. Dans la première partie de “Speak In Tongues”, on pense que le groupe reprend enfin des risques mais c’est pour finalement que mieux se laisser happer par cette américanisation des guitares et du chant qui cherche à transformer n’importe quel titre en hymne de stade. “The Never-Ending Why” étonne une fois de plus par la force de frappe de sa batterie et par son côté rock particulièrement mis en avant, ça joue vite et fort, avec une batterie qui ne cesse de vouloir réaffirmer sa présence. Possédant un pont brillant où la guitare cherche à se muter en saxo, il s’agit vraiment d’un des meilleurs titres de l’opus. Après ce déluge de guitares, “Julien” et son beat année 80 semble complètement anachronique ; même si la guitare tente peu à peu de reprendre ses droits en donnant un impact stoner au titre, on voit bien à quel point cette dernière n’est pas à l’aise : et oui ne côtoie pas des samples de violons qui veut. “Julien” est symptomatique de ce nouvel album, il prouve à quel point Placebo est complètement perdu et ne sait plus où donner de la tête, cherchant à caser mille idées par titres, à redorer son statut de groupe indé tout en ne composant que des titres capables de mettre Bercy à genoux. De la même manière “Happy You’re Gone” aurait pu être une jolie ballade mais se retrouve une fois de plus étouffée par le son surproduit de la six cordes. au point d’en faire une niaiserie trop sucrée et ecoeurante. “Breathe Underwater” est punchy, frais et plutôt convainquant, un petit roulement de batterie par ci, un son electro par là. Sans vraiment se démarquer du reste de l’opus, il s’agit plutôt d’un bon titre. Puis avec “Come Undone”, on croit que “Battle For The Sun” s’offre enfin une légère respiration, mais ce n’est que la classique balade de fin d’album de n’importe quel groupe de métal, et encore on esquive de justesse le solo ringard de fin. Enfin “Kings Of Medicine” clotûre honnêtement l’album : évitant la surenchère, préférant un riff de basse subtil à des guitares trop ballourdes, il arrive presque à rendre supportable le piano.

Sur ce sixième album, le groupe en fait clairement des tonnes. Ça à l’apparence de Placebo mais ça n’en a pas la saveur, et pour cause, il manque ici un élément essentiel : la mélancolie. “Battle For The Sun” souffre de son manque de tristesse. Il manque également cruellement de variété, tous les titres répétant la même erreur : celle de la surenchère sonore. Jamais Placebo n’avait sonné aussi pompier : des guitares lourdes, auxquelles s’ajoutent le plus souvent violons et/ou piano et/ou chœur. L’écoute répétée de certains titres s’avère complètement indigeste. Clairement le groupe échoue là où British Sea Power avait si bien réussi l’année précédente avec son “Do You Know Rock Music ?”. Cet aspect pompier est d’ailleurs confirmé par le line-up live du groupe qui se produit dorénavant avec six membres sur scène.

Néanmoins, malgré ces reproches un peu amères (mais qui ne serait pas amère avec un groupe de l’importance de Placebo ?), il faut saluer la puissance dégagée par le disque et le retour à des compositions ambitieuses qui essayent d’incorporer et de synthétiser tous les acquis du groupe. Abrasif et étonnant, ce “Battle For The Sun” n’est pas dénué d’atouts, et pourra, à coup sûr, convaincre les humains en manque de noisy pop que nous sommes. Malheureusement, et les écoutes successives le confirme, “Battle For The Sun” restera pour moi un album maladroit où l’âme fait défaut. Pour conclure, ce sixième opus trahit une incapacité à canaliser ses idées et à épurer ses titres, le genre d’erreur que les groupes réalisent habituellement sur leur premier album. Ainsi “Battle For The Sun” est un peu l’album de l’anti-maturité. Si David Bottrill est habituellement un producteur dont je suis fan – notamment pour ses travaux avec King Crimson, Deus, Silverchair, Mudvayne et surtout Tool – il est certain que les orientations métalliques qu’il a du insuffler au groupe n’ont pas du jouer en la faveur de Placebo.

Après plus de 6000 caractères écrits, je suis quand même attristé de mettre cette note moyenne à un groupe que j’ai si souvent défendu. Encore une fois “Battle For The Sun” comporte son lot de bonnes idées et de très bons titres… mais je n’ai juste plus suffisamment la foi pour me laisser embarquer dans cette surenchère ampoulée, aussi qualitative puisse-t-elle être par moment.

Note : 5/10