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Avec « Sonic Nurse », « Rather Ripped » et maintenant ce « The Eternal » Sonic Youth redonne, via cette trilogie, du sens au patronyme qu’ils ont choisi il y a maintenant plus de 20 ans. Dès « Sacred Trickster » le groupe tape dans la noisy pop indé qui déstabilise tout en aguichant l’oreille. C’est frais, jeune et les Kills ne feront jamais mieux. « Anti-Orgasm » est un single en puissance, déployant une énergie quasi grunge. Les guitares de « Leaky Lifeboat » regorgent d’inventivité, comme si le groupe n’avait pas déjà tout inventé en matière de déformation du son électrique. Pop légère et psychédélique (« Antenna ») et/ou rock indé nerveux (« What we know »), la musique de Sonic Youth est de tous les combats, le groupe maîtrisant aujourd’hui les moindres subtilités de son art, évitant les faux pas et la majorité des fautes de goûts (même si qui dit majorité, dit aussi minorité, car oui comme sur les deux précédents opus, après un départ en trombe le groupe allège parfois très légèrement son niveau de composition).

Si « The Eternal » porte si bien son nom, c’est surtout pour ce modèle de longévité, une longévité sans compromission, sans album de la maturité, sans opus acoustique : une longévité qui ne renie rien. Ainsi sur « Sacred Trickster » et « Calming The Snake », Kim Gordon retrouve la rage et met le voile sur un défaut qui incidemment commençait à nuire à ma passion pour Sonic Youth. Il faut bien l’avouer, et les dernières prestations live du groupe auquel j’avais assisté me l’avait confirmé, Kim Gordon commençait à devenir pour moi l’élément faible de Sonic Youth. Ici elle reprend vraiment de sa splendeur, semble mieux assumer son âge, sans pour autant remettre en cause sa vitalité. Un peu comme Pj Harvey, je la trouve à nouveau éblouissante (« Malibu Gas Station »). Parallèlement, l’autre figure phare du groupe de New York continue d’impressionner par sa sérénité. Successivement chanteur de pop anglaise (« No Way »), crooner ou folkeux, Thurston Moore affirme la quiétude électrique du groupe.

A part quelques rares loupés comme « Thunderclap (For Bobby Pyn) » (et encore le passage noisy est un pur régal), Sonic Youth est donc encore là pour remettre à leur place tous les aspirants à la gloire éphémère. Et si « The Eternal » reste juste un bon album de plus dans une discographie qui compte aujourd’hui plus d’une centaine de titres brillants, il n’en reste pas moins l’une des valeurs sûres de l’année. Sans surprise, sans tapage, sans déception mais sans révolution non plus, Sonic Youth poursuit ainsi sa route sur le fil du temps. Au milieu de ce chemin tranquille dénué de pentes et de montés, un chef d’oeuvre aurait presque fait l’effet d’une tempête.

Ainsi, l’unique vraie problématique soulevée par « The Eternal » ne provient pas des chansons en elle même mais plus de l’absence de renouvellement, de prises de risques, comme si les trois derniers opus n’en faisaient qu’un découpé en trois parties. L’album est génial mais, tout comme le grand amour qui peut se laisser contaminer par le quotidien, le génie risque un jour d’être mis en danger par la lassitude. Mais bon, laissons le futur et les questions existentielles aux autres, et pour l’heure vivons dans le présent tout en sachant rester éternel.

Note : 8/10