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Cette chronique a été écrite pour Le Hiboo, vous pouvez la retrouver ici

Mark Linkous (Sparklehorse) et Danger Mouse qui composent l’intégralité des instrumentations, David Lynch qui s’occupe de l’impact visuel, et une multitude de chanteurs/chanteuses qui viennent poser leurs voix, « Dark Night of the Soul » avait tout du projet excitant sur le papier qui allait très mal « musicalement » finir. Avec son casting caractéristique des œuvres caritatives et son concept où s’opposent d’un côté un album à télécharger gratuitement et de l’autre un vrai CD vierge accompagné des photos du génie du cinéma américain, ce disque me faisait craindre le pire. Je m’attendais à une espèce de patchwork musical incohérent et bâclé où l’idée prenait le pas systématiquement sur la musique.

Pourtant, Danger Mouse, qui sait définitivement très bien s’entourer, livre grâce au songwriting éclairé de Mark Linkous, un album qui n’a rien à envier à ses travaux avec Gorillaz. L’ensemble est assez difficile à décrire, les ambiances s’enchaînent, chaque chanteur vient apporter sa touche personnelle et le rendu n’est évidemment pas comparable lorsqu’il s’agit de mettre face à face une ballade chantée par Gruff Rhys (Super Furry Animals) ou Jason Lytle (Grandaddy) et une pop song ravissante portée par Julian Casablancas (The Strokes).

Malgré la diversité des textures, des rythmiques et des vocalises, « Dark Night of the Soul » possède un souffle, une vitalité et surtout une logique intrinsèque toujours palpable. Sur la majorité des albums, la voix du chanteur sert de fil conducteur et guide l’auditeur à travers les ténèbres. Mais ici, la mise en danger est permanente, on peut passer d’un rock garage et sombre hurlé par Franck Black des Pixies (« Angel’s Harp ») à une electro-pop tout en finesse à la Air (« Star Eyes (I Can Catch It) »). Tout cela semble d’une incohérence extrême, on devrait avoir l’impression d’écouter une compilation ou pire le dernier Archive, et pourtant rien y fait Danger Mouse et Sparklehorse tiennent clairement les rênes. Sans fil, avançant à l’aveuglette, on prend un plaisir certain à se laisser embarquer dans le labyrinthe de styles abordés par le projet. Grand disque de folk américaine (« Every Time I’m With You ») ? Pop spatiale classieuse (« Insane Lullaby ») ? Blues contemporain (« Daddy’s gone ») ? Le disque est un peu de tout ça et plus encore : un vrai état des lieux de la musique américaine.

Au milieu de tout ça, Iggy Pop impose sa présence sur « Pain » une pépite d’indie rock où l’iguane déploie une émotion vocale dix fois plus impressionnante que sur son décevant projet inspiré par « La possibilité d’une île » de Michel Houellebecq. Enfin le disque se clôture tout en beauté avec d’abord une ballade sombre magnifiée par le prenant timbre de voix de Vic Chesnutt (« Grim Augury ») puis un espèce d’ovni qu’on ne peut que légitimement imaginer comme la BO d’un film de David Lynch (« Dark Night Of The Soul).

Toujours pertinent dans le choix des featurings (même Nina Persson des Cardigans est parfaite), confirmant le talent de Danger Mouse, rappelant l’importance d’un groupe comme Sparklehorse, « Dark Night of the Soul » réalise un improbable sans faute et un disque passionnant de bout en bout.

Du coup le concept n’étant bien qu’une conséquence de la musique, et non sa raison d’être, on se laisse soudainement happé par les photos de David Lynch qui prolongent le voyage d’une bien belle manière. Quant à l’acte politique à l’encontre des géants de pierre prêt à s’effondrer, ces 13 pistes en font une attaque sismique qui n’a rien d’un coup d’épée dans l’eau.

Note : 8,5/10