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WHATEVER WORKS de Woody Allen

Par Benjamin Fogel, le 04-07-2009
Cinéma et Séries
Woody Allen c’est un peu l’inverse de Michael Jackson : tandis que tout le monde pense le second mort, alors qu’il est probablement entrain de siroter des mojitos avec Elvis, nous allons tous voir des films du réalisateur new yorkais persuadé que ce dernier est toujours en vie alors que c’est à coup sûr un clone à l’IA surdéveloppée ou un fils spirituel qui se tient derrière la caméra. Clairement comment imaginer que « Whatever Works » puisse être l’œuvre d’un génie du cinéma âgé de 74 ans, alors qu’il a tout, dans ses qualités et ses défauts, du premier film d’un jeune réalisateur indé ? « Whatever Works » décontenance par sa fraîcheur et son mauvais esprit. Mais la vérité est ailleurs, comme Clint Eastwood, Woody Allen poursuit juste sa boulimie créatrice, essaye de rentabiliser le temps à son maximum et sort des films à la même cadence que The Mars Volta publie des albums, soit en s’imposant un minimum de une fois par an.

« Whatever Works » se focalise sur la prestation de Larry David qui reprend dans les grandes lignes son personnage (c’est-à-dire lui-même) de la série qui l’a fait connaître : « Curb your enthusiasm ». Il en devient une sorte de mélange entre Woody Allen, Jack Nicholson dans le « Pour le pire et pour le meilleur » et Sheldon (« The Big Bang Theory »), une sorte de génie aigri, brillant, misanthrope, hypocondriaque, méchant, narcissique, sarcastique et forcément très attachant. Typiquement le genre de personnage à la philosophie et à la répartie saisissante qu’un jeune réalisateur aurait eu envie de mettre en avant dans un premier film cynique et immature. Jouant à fond la carte du mauvais esprit, se permettant une blague inouïe à la South Park sur les camps de concentration, attaquant la bienséance avec l’insouciance et la rébellion des plus jeunes, le couple Allen/David s’en donne à cœur joie. De plus, le film n’est pas exempt de défauts, mais il s’agit typiquement d’erreurs de jeunesse. Le fait que Larry s’adresse directement au spectateur, l’aspect vaudevillesque créée par les réapparitions des parents de Mélody, le côté un peu facile du positionnement politique bien trop manichéen, tous ces éléments sont autant de signes caractéristiques des premiers films où le réalisateur a besoin de dévoiler, de révéler sa personnalité, ses qualités et ses défauts et ce sans aucun souci de retenue.

Si le premier angle d’analyse est évidemment de voir dans ce « Whatever Works » un véritable retour aux sources pour celui qui aura quand même calé sur la pellicule une bonne quarantaine de films, avec un taux de réussite des plus honorables (plus de déceptions que de réels mauvais films au final), une deuxième hypothèse serait évidement de voir dans ce film une synthèse de l’œuvre de Woody Allen. Voyant ses forces diminuer, Clint Eastwood avait fait de « Gran Torino » un véritable testament cinématographique, où pour la première fois il préférait le sacrifice à la vengeance. On peut voir la même approche dans ce dernier Woody Allen tant celui-ci synthétise les thèmes chers aux réalisateurs tout en leur donnant une véritable conclusion.

Film choral, chassés croisés amoureux, déclarations socio-philosophiques, apologie d’une gauche bobo juive face à une droite conservatrice, nouvelle déclaration d’amour à New York… le tout porté par une noirceur plus « typiquement allenienne » que celle « Match Point », Woody Allen réussit enfin à mélanger dans des proportions égales pessimisme et optimisme. A 74 ans il semble enfin réussir à faire cohabiter ses deux visions de la vie, ses deux personnalités, le Woody Allen drôle et le Woody Allen triste.

Alors bien sûr à la sortie de la salle, Matthieu, Marien et moi-même nous nous sommes interrogés sur les risques de finir un jour aussi aigri que Boris Yellnikoff, mais la réponse s’est imposée d’elle-même : Whatever Works. Soit la plus belle des conclusions que Woody Allen pouvait donner à une si longue filmographie.

Après « Vicky Cristina Barcelona », « Whatever Works » épate. Bien malin celui qui pourrait deviner l’âge du vieux singe juste en regardant ses films.

Cette critique, c’est un peu comme une palme d’or qui récompense plus l’ensemble de la carrière que le film en question.

Note : 9/10