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« Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not », le premier album d’Arctic Monkeys, était arrivé au mauvais moment, de la mauvaise façon, soutenu par les mauvaises personnes. Perdus au milieu d’une flopée de groupes qui voulaient se faire une place entre Franz Ferdinand et les Libertines, émergeant en plein revival du rock anglais via l’un des premier gros buzz « MySpace », et intronisé comme des demi-Dieux par le NME, les quatre de Sheffield avaient de quoi attiser la méfiance. Pourtant à l’écoute de l’album, le soupçon ne pouvait que s’estomper, il fallait se rendre à l’évidence et croire la hype : avec une moyenne d’âge inférieure à 20 ans, le groupe possédait une maturité inouïe en terme de songwriting pop-rock.

Puisqu’en musique, il faut être joueur, mes deux poulains préférés de l’époque étaient donc Bloc Party et Arctic Monkeys. D’un point de vue strictement personnel, quatre ans plus tard j’ai l’impression d’avoir misé sur les bons chevaux. « Favourite Worst Nightmare » reste l’un des plus ardents brûlots rock de 2009, plein de riffs épileptiques, tandis que The Last Shadow Puppets, le projet parallèle d’Alex Turner, a affirmé des qualités d’écriture et un sens de la composition classique alors inespérés pour un gamin né en 1986.

Dès la première écoute de « Humbug », l’auditeur ne peut être que déconcerté par tant de facilité. Arctic Monkeys continue d’écrire des chansons avec une aisance juvénile, avec une grâce inouïe. Tout ça semble tellement inné qu’on se demande si l’ombre de Josh Homme des Queens Of The Stone Age, ici producteur, ne sert pas juste à crédibiliser le groupe sans influer en rien sur son évolution.

Le néophyte pourrait croire que « My Propeller » tape dans le même registre que les précédents opus, pourtant la rythmique et le chant se veulent plus torturés. Les guitares semblent se retenir, laissant l’ambiance prendre le pas sur l’énergie. « Crying Lightning » est un single passionnant se jouant des codes, explosant les carcans du diptyque couplet/refrain pour nous embarquer dans une perle indé évolutive qui part toujours là où on ne l’attend pas : solo de guitare, rythmique martiale, le tout pour revenir sur une mélodie ultra-popisante qui ferait douter Franz Ferdinand. « Dangerous Animals » attaque également sur ce créneau : faire danser les filles, mais non pas sur un dancefloor mais plus au milieu d’un désert mystique. A ce stade, sans faire de raccourcis faciles, on peut dire que « The age of the understatement » a insufflé au groupe d’origine certaines idées qui ont modifié le jeu de guitare. Plus expérimentales, moins entraînantes mais plus violentes, chargées d’émotions, les guitares sont au cœur de ce « Humbug ». On peut regretter les hymnes quasi pop-punk de « Favourite Worst Nightmare » et leur technicité pop, on peut aussi se rejouir du grand groupe qu’Arctic Monkeys est entrain de devenir.

La ballade « Secret Door » en fait légèrement des tonnes, mais Alex Turner sait comment ne pas franchir les limites. Puis « Potion Approaching »arrive, avec son gros riff et sa batterie qui tape sec portée par des backing vocals sableux. Saccadé, la guitare lourde, il s’agit probablement du titre le plus stoner de l’album, le tire le plus Josh Homme. « Fire & The Thud » est un joli titre mais finit par laisser un goût amer dans la bouche. Sa douce rythmique très pop crée la nostalgie des électrisants « Brainstorm », « Balaclava » ou encore « This House is a Circus » du précédent opus. « Cornerstone » sert de canevas à un joli texte mais s’oublie un peu vite. « Dance Little Liar » hypnotise de par ses distorsions et ses chœurs discrets. « Pretty Visitors » aurait du arriver plutôt dans l’album. Ce rouleau compresseur rock soutenu par quelques notes d’orgues en font un met de choix qui n’hésite pas à s’enfuir vers des terres illuminées où l’on érige des royaumes à la gloire des riffs de Black Sabbath. « The Jeweller’s Hands » complète la palette des styles abordés et permet à Alex Turner une dernière démonstration de sa voix habitée.

Si « Humbug » manque légèrement de rugosité pour se placer au niveau de « Favourite Worst Nightmare », il n’en reste cependant pas moins une confirmation de l’importance de l’entité Arctic Monkeys, une entité qui sait où elle va et qui sait quelle rôle elle aura à jouer dans le paysage international du rock indé. Car malgré les années qui passent, les guitares électriques doivent toujours prouver leur légitimité au sein des compositions matures et s’affirmer comme l’ossature d’une certaine frange de l’orfèvrerie pop.

Note : 8/10