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BRUNO de Larry Charles

Par Benjamin Fogel, le 11-08-2009
Cinéma et Séries
Dans la série « on reprend les mêmes et on recommence », « Brüno » s’annonçait comme un remake de « Borat » où le racisme ordinaire aurait été remplacé par l’homophobie. Même typologie de trame scénaristique, mêmes schémas narratifs, mêmes astuces de réalisation et surtout un one man show sans limite où Sacha Baron Cohen mélange son goût pour la création de personnages extravagants et sa mise en exergue de la bêtise humaine (la sienne et surtout celle des autres).

Deux visions s’opposent dans ce film. D’un côté il ne s’agit que d’un divertissement régressif, souvent hilarant mais toujours relativement facile dans son approche humoristique. On ne peut clairement pas dire que « Brüno » dénonce quoique ce soit. Il ne s’agit en rien d’un constat accablant sur une Amérique pleine de clichés, tant les clichés véhiculés sont déjà connus de tous. Non la bêtise est ici plus un terrain de jeu, une occasion de se foutre ouvertement de la gueule des gens, de ce à quoi ils sont prêt à faire pour de l’argent, de ce en quoi ils croient. Très vite, on s’aperçoit qu’il n’y a rien d’ambitieux dans cette forme d’humour. Dire à un pasteur qu’il a des lèvres faîtes pour sucer, débarquer à poil dans la tente d’un chasseur ou encore faire de la provoc lors d’un talk show débouchent sur autant de situations cocasses mais sur très peu de réflexions. On ne peut que s’interroger sur l’intérêt d’un tel film face à, par exemple, la dernière saison de South Park. South Park va plus loin dans les blagues, dans le mauvais esprit, dans l’humour noir, et ce sans jamais perdre de vue ses velléités politico-sociale.

De l’autre côté, il faut bien avouer que « Brüno » touche au but quand il s’agit de faire rire. Sacha Baron Cohen est un véritable caméléon conférant une crédibilité incroyable à son personnage et ce dans les situations les plus extrêmes. Comme ce fut le cas avec Borat, Sacha disparaît complètement pour devenir Brüno ; pas un sourire complice lors du film, pas une apparition publique sous sa véritable identité. Maître du happening, gardant son sérieux alors que la situation peut à tout moment partir en vrille, Sacha Baron Cohen finit par forcer l’admiration. Ok c’est débile, mais comment ne pas rire quand Brüno demande à une mère si elle est prête à faire perdre 5 kilos à sa fille de 4 ans pour qu’elle puisse se déguiser en nazi et pousser un enfant juif dans un four, et que cette dernière accepte ? En trouvant que ce type d’humour ne fait qu’exploiter la misère et la bêtise humaine ? Oui, c’est pas faux, mais ça reste drôle quand même, et puis je ne peux rester insensible à un bon vieux « Nicht Nicht » / « Ach, ja! »…

Enfin il faut parler de Larry Charles, le réalisateur qui a principalement œuvré sur des épisodes de « Curb Your Enthusiasm » et sur « Borat » qui arrive à transformer ce qui n’aurait pu être qu’une succession de sketchs en vrai film. Les scènes réalisées en caméra cachée, les interviews et les moments de fiction s’enchevêtrent naturellement au point de faire d’une blague récurrente un tout cohérent. Aucune des facéties de Sacha Baron Cohen ne serait viable sans la mise en scène de Larry Charles.

Au final, le film est donc un défouloir extrême qui se termine sur un grand moment d’autodérision générale avec la chanson finale où Bono, Elton John, Sting et Snoop Dog viennent poser leur voix. Mélange improbable entre Günther, Michael Moore, Remi Gaillard, Cartman et un porno gay, « Brüno » déconcerte par sa fraîcheur et son rythme bien plus soutenu que « Borat ». Ca ne durera sûrement pas très longtemps, mais pour l’instant, il faut bien se rendre à l’évidence, Sacha Baron Cohen détient un concept dans lequel il excelle et qui se résume en une phrase : la provocation a beau être facile, elle n’en est pas moins redoutable.

Note : 7/10