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COUGAR – Patriot

Par Benjamin Fogel, le 18-09-2009
Musique

C’est un peu toujours la même histoire avec le post-rock. A chaque fois on se dit que c’est la fin, que le style a fait son temps, que les interminables montées en puissance des guitares nous ont lassés, que la finesse instrumentale n’apporte plus l’émotion nécessaire, que trop de groupes ont galvaudé le style. On se rappelle les derniers opus poussifs de Mogwai et d’Explosion in the sky, on se souvient de tous ses groupes dont les guitares ne cessent de geindre et dont la violence semble soudain si artificielle et calculée. Puis, inexorablement, on finit par retomber dans le panneau au travers d’un groupe touché par la grâce, comme ce fut le cas avec 65daysofstatic. En 2009, ce groupe s’appelle Cougar et est signé sur Ninja Tunes ; un label à connotation électronique pour un groupe qui mélange avec subtilité rythmiques humaines et beats.

« Stay Famous » paralyse, le Cougar est devenu maître de son royaume. A la fois plus puissant et plus mûr que sur « Law » (le premier opus du groupe), il expose des développements à la complexité légère où la batterie alterne entre rythmiques jazzy et tribales, laissant alors le champ libre aux guitares pour assurer les surcouches d’arpèges caractéristiques du genre. Sur « Florida Logic », le groupe du Wisconsin, catalyse toute la puissance et l’émotion qui faisait de Mogwai le leader du style, tout en assurant le cliché (dans le bon sens du terme) du final noisy. « Rhinelander » et ses chants mystiques servant de coussin de soie à une déferlante technique ouvrent les portent d’un post rock très influencé par le math-rock qui rappelle forcément From Monument To Masses. En évitant les constructions trop longues habituellement inhérentes au style et en assurant à chaque titre une personnalité forte, Cougar crée la différenciation et se joue de l’ennui.

« Pelourinho » commence comme une comptine qui se laisse peu à peu happer par des sonorités trip hop. « Thundersnow » est un brulot rock, une épopée chevaleresque ponctuée de solos de batterie, un véritable ras de marée qui emporte tout sur son passage en un laps de temps d’une concision absolue. « Patriot » serait-il l’album que le genre attendait pour finir sa mutation, pour renaître une dernière fois de ses cendres et connaître une nouvelle ère de gloire ?

A mi-chemin entre l’electro et les sonorités allemandes, « Heavy Into Jeff » possède un aspect krautrock qui rapproche « Patriot » d’un des autres grands disques de la rentrée, « B » de Turzi. Sur « Endings », l’oreille se cale sur la batterie et les beats et n’en décolle plus (sauf pour l’explosion finale de guitares évidemment). On comprend avec ce titre pourquoi ce disque est signé chez Ninja Tunes.

Comment un groupe peut passer d’un album honorable comme « Law » à un chef d’œuvre comme « Patriot ? Quels sont les éléments qui permettent une telle mutation à la fois technique et émotionnelle ? On se croirait chez The Bad Plus tant cette finesse de jeu de batterie ne peut venir que du jazz. Les touches électroniques ne sont jamais grossières et étoffent avec bonheur le son. « This Is An Affidavit » est une somptueuse ballade sur laquelle on rêverait voir Antony Hegarty poser sa voix. Même constat pour « Appomattox ».« Daunte v. Armada » met un peu de temps à démarrer mais encore une fois le batteur David Henzie-Skogen vient apporter la réponse à la chanson qui évoque soudainement le meilleur de Tortoise avec son clavier vintage et son aspect jazz-rock. « Patriot » se conclue sur « Absaroka » un titre, à la Sigur Ros, ambiant et truffé de violons qui laissent rêveur même si l’on aurait préféré voir le disque finir en apocalypse.

Cougar brasse tout sur son passage. Amplifié par des éléments math-pop, ambiant, folk et électroniques, l’animal est incisif comme du Fugazi, doux comme du Four Tet et rageux comme du Pelican. Cougar ressemble à la fois à tout et à rien, il pioche dans le passé pour créer une musique du futur qui ne laisserait aucune influence dans le présent, et c’est peut-être ça la vraie signification du post-rock.

Note : 9/10

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