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« Seul ce que j’ai perdu » évoque tout de suite les démons du passé, le désenchantement amoureux, la rage des relations homme-femme. Miossec chante « L’image reste toujours collé au mur même si le mur s’est effondré » et les vestiges de « Boire » et « Baiser » reviennent à la surface. L’album d’un retour en forme de consécration ? Non « Finistériens » sera avant tout un disque de contrastes.

Lors des premières écoutes, « Finistériens » dévoile ses limites et son perpétuel décalage qualitatif, et ce parfois au sein même d’une unique chanson. D’un côté les instrumentations de Yann Tiersen sont irréprochables, on peut même les qualifier d’ambitieuses (« Jesus au PMU ») avec des sonorités électriques, des arrangements fluides et raffinés et des développements surprenants pour ce style de musique, de l’autre côté il faut bien avouer que Miossec n’est pas toujours à la hauteur et au niveau voix et surtout au niveau texte. En premier lieu, le breton n’a jamais été à l’aise avec la notion de chant, et face aux richesses mélodiques des compositions de Yann Tiersen, on voit bien à quel point il a des difficultés à suivre, combien il essaye, sans succès, d’obtenir le meilleur de ses cordes vocales. Au final, même sur les titres les plus réussis comme « A Montparnasse », on sent bien que la voix n’arrive pas à parfaitement fusionner avec les riffs tostakien de Tiersen. Au niveau textuel, l’âme d’écorché de Miossec a forcément perdu en terme d’impact. La rage, l’obsession des échecs relationnels est toujours présente mais laisse parfois la place à des réflexions faussement rebelles sur un univers où il est peu aisé d’écrire avec justesse. « Les chiens de pailles » caractérise bien ce « décalage qualitatif ». Au sein d’une même chanson, il s’y jouxte de vrais moments de poésie imposant un réalisme sincère et des phrases maladroites rappelant les travers dans lesquels Noir Désir tombe parfois. On se dit qu’on finit par trop bien connaître Miossec pour être encore surpris par son désespoir. On y ressent même une forme de rengaine, l’impression que celui qui reste l’un des cinq plus grands compteurs français n’arrive plus à sortir de la spirale du recyclage (« Hais-Moi »).

Pourtant malgré ces quelques défauts, difficile de mettre complètement de côté ce « Finistériens » tant il est éclairé par des moments de tristesse amoureuse, par de touchants instants de couples : le noir constat de « Nos plus belles années » qui se couche sur une ambiance martiale au final solennel ; l’entraînant « CDD » où Miossec trouve enfin le ton et s’acoquine malicieusement avec la mélodie ; et surtout « Fermer la maison » un émouvant moment de couples en forme de folk song éternel. Les deux dernières ballades sont d’une justesse absolue et là encore on regrette de ne pas adhérer à cent pour cent à l’opus entier.

Pas très à l’aise avec ce disque où les sentiments d’envoûtement s’alternent avec ceux de réel rejet, je finis par me dire que ma relation avec cet album ne sera qu’une extension des thématiques du disque : « Car l’amour et la haine, c’est notre histoire depuis longtemps déjà ». Il y a successivement des passages qui m’accaparent alors que la minute d’après certaines intonations me semblent si vaines. J’en culpabiliserai presque.

Mon frère, fin connaisseur de l’œuvre du sieur et déçu de ce « Finistériens », m’a posé la question suivante : « Ferme les yeux, remplace la voix de Miossec par celle de Cali, que ressens-tu ? ». Évidemment rien… mais justement la particularité de Miossec réside peut-être toujours dans ce chant rauque mais mal assuré, viril mais affaiblit. Bref un chant qui a de l’âme, quelque-chose que Cali n’aura jamais.

S’il faut dire que sortir un album possédant un titre qui s’intitule « Jesus au PMU » n’incite pas à la clémence. La vérité est que je ne peux m’empêcher de revenir sur certaines chansons de « Finistériens », une sensation finalement assez similaire à celle provoquée par un Alex Beaupain. L’envie d’écouter une chanson est toujours un meilleur indicateur que n’importe quelle analyse.

Note : 7/10