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WHY ? – Eskimo Snow

Par Benjamin Fogel, le 08-09-2009
Musique

Bien avant que « Elephant Eyelash » transforme le projet solo de Yoni Wolf en l’entité Why ?, le musicien américain représentait déjà beaucoup à mes yeux. Non seulement Clouddead, où il officiait, reste pour moi un des groupes qui aura le plus marqué le début du XXIème siècle, mais surtout son nom fait forcément référence à Anticon, à Doseone, Alias, Jel, Sole, Odd Nosdam et Pedestrian, et donc à l’âge d’or de l’abstrackt hip hop et de l’avant garde hip hop, une période dont je suis particulièrement nostalgique. Unique vestige avec Subtle de cette époque, Why ? est ainsi un groupe que je chéris particulièrement.

« These Hands » repose tout de suite les bases de cette weird folk inclassifiable issue de 20 ans de culture américaine, de la folk au hip hop en passant par le lo-fi. Au milieu du titre le piano et les multiples arrangements s’enflamment pour métamorphoser la chanson et insister sur la notion de narration au niveau de la composition. Sur « January Twenty Something », Yoni Wolf, porté par une multitude de sonorités, chante « This song was a fever-dream, First new year’s greeting on my answering machine, A suicide note from my late-teens, Put to this melody ». « Against Me » maintient l’impact de départ. Les chansons de Why ? racontent toujours une histoire et prennent rapidement la forme de comédies musicales où l’instrumentation sert de background aux émotions, où cette dernière suit le chant comme une feuille morte qui suit les caprices du vent : avec instinct et dévotion.

« Even the Good Wood Gone » est un joli moment de songwriting qui s’amuse une fois de plus à jouer avec les styles et les sonorités. « Into the Shadows of My Embrace » démarre sur des bases solides. Piano, batterie, basse forment un socle qui permet à Yoni Wolf de développer son scénario puis soudainement le titre s’accélère un peu comme « Hollows » sur « Alopecia » pour finir sur un duel piano / guitare qui n’est pas sans rappeler les finals pompiers de Muse, si ce n’est que, dans le cas présent, cela fonctionne à merveille, rajoutant juste une corde de plus au patchwork. « One Rose » est une ballade bluesy-folk qui m’oblige à citer une fois de plus « Sometimes I wish we were an eagle » de Bill Callahan. Triste et mélancolique, la chanson prouve combien « Eskimo Snow » est le disque de l’introspection. « On Rose Walk, Insomniac » est typique du style de Why ? avec cette montée en puissance qui suit le rythme du texte, et fait hocher de la tête sur ce qui pourrait n’être qu’une simple perle en terme de composition.

« Berkeley by Hearseback » emprunte au hip hop la manière d’utiliser l’instrumentation comme un cadre qui permet à la voix de raconter son histoire, tandis que « The Blackest Purse » use et abuse avec plaisir des cassures de rythmes pour mieux coller au ressenti des émotions exprimées. Enfin le désenchanté « Eskimo Snow » conclut magnifiquement l’opus avec sa guitare dont les notes aigues ponctuent à merveille les « And I’m still here » de Yoni Wolf.

Il est impressionnant de constater à quel point, on s’approprie vite ce « Eskimo Snow », à quel point il suffit d’une écoute pour mémoriser la tracklist, les ambiances, les textes, à quel point on se sent vite chez soi au sein de ces 10 titres. Ce sentiment est d’autant plus étrange que le disque est relativement complexe dans son approche de la folk-pop. Néanmoins si on rentre vite dans cet univers, il faut faire attention et ne pas se laisser étouffer par cette musique mouvante qui peut parfois se faire oppressante de par son manque de respiration.

Délesté des boucles électroniques, « Eskimo Snow » s’affirme ainsi comme une version plus organique de « Alopecia » où Why ? gagne en mélodie ce qu’il perd en terme d’ambiance fumeuse. Néanmoins même si les approches sont légèrement différentes, on est rassuré de savoir que les disques ont été composés quasiment à la même époque, tant au final, la différence entre les deux opus n’apparaît que sur l’approche et non sur la composition. Ainsi, le plus gros défaut de ce nouvel opus est peut être qu’il souffre d’un très léger complexe d’infériorité par rapport à son prédécesseur ; un complexe qui trouve sa source dans le manque de surprise, quelque chose de finalement assez commun dans une relation fraternelle.

Note : 8/10

>> A lire également, la critique de Christophe sur 0plus0