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Depuis toujours, j’ai pris la très mauvaise habitude de traîner avec les potes de mon petit frère, et pendant longtemps, je pense qu’il m’en a, à juste titre, un peu voulu. Pourquoi m’immiscer sans cesse dans le cercle des relations sociales de mon frère ? Un peu parce que j’ai confiance dans ses choix amicaux, un peu parce que j’ai l’impression que cela me permet de rester proche de lui, et un peu aussi à cause du hasard, des concours de circonstances que je ne maîtrise pas. Mais depuis quelque temps, ayant compris certaines choses, j’essaye de me faire plus discret, même si la discrétion est chez moi un concept tout relatif. Et voilà que pourtant, alors que je m’étais juré qu’on ne m’y reprendrait plus, je me suis retrouvé à aller boire un verre avec la seule de ses très bonnes amies que je ne fréquentais pas. Il faut dire que la demoiselle est actuellement en stage dans un des labels indé que j’estime le plus, et que Playlist aidant, il me paraissait fort inapproprié de ne pas aller boire des bières avec elle ;) A un moment de la soirée elle me demanda s’il m’arrivait d’aimer un disque sans le passer au crible de mes critères habituels (démarche artistique, ressenti émotionnel, aspect technique), s’il m’arrivait de prendre du plaisir à écouter un album sans raison explicable, juste simplement, sans analyse, dans un esprit qui doit se rapprocher de ce que les gens appellent « les plaisirs simple de la vie ». Une réponse honnête aurait évidemment consisté à dire que non, que pas du tout, que j’étais un connard qui ne pouvait apprécier un disque en dehors de ses propres critères ; une telle réponse impliquant évidemment le corollaire suivant : que non je ne pouvais pas comprendre que quelqu’un aime un album comme ça sans raison, juste parce que la mélodie lui rentrait bien dans la tête et le rendait heureux. Mais bon je ne voulais pas passer pour le mec aigri que je suis parfois, pour ce faux intello méprisant persuadé qu’il détient la connaissance absolue lui permettant de juger un disque (énorme défaut qui est pourtant un indéniable pré-requis pour avoir la motivation d’écrire des chroniques sur près de 150 albums par ans). Du coup, j’ai un peu arrangé la réalité, j’ai nuancé mon propos en prétendant que oui bien sûr il m’arrivait d’adorer des disques qui ne feraient pas date, des disques avec une limite de péremption, que comme tout le monde je pouvais avoir « mes péchés mignons ». Malheureusement je me suis rapidement perdu dans mes explications et quand il a fallu citer un exemple, je me suis un peu retrouvé à sec. Ce qui nous amène – il n’est pas trop tôt, je vous l’accorde – à ce second opus de Flight Of The Conchords. Voilà l’album que j’aurais du citer « I Told You I Was Freaky » de Flight Of The Conchords ! Un album qui ne se pare pas d’ambitions artistiques, un album qui ne me touche jamais en plein coeur, un album qui ne m’éblouit jamais par sa virtuosité, mais bien un album que j’écoute en boucle.

S’appuyant sur le même concept que le premier opus, « I Told You I Was Freaky » est évidemment le binôme de la deuxième saison de « Flight Of The Conchords ». J’aurais d’ailleurs sûrement l’occasion de revenir plus tard sur cette série atypique où Jemaine Clement et Bret McKenzie jouent leur propre rôle de musiciens fauchés dans un univers des plus décalés, où ils ne cessent de déployer des trésors d’humour et d’enchainer les situations les plus cocasses.

Alors de quoi est-il question avec « I Told You I Was Freaky » ? D’une BO de série ? D’une succession de pastiches ? De titres à vocation humoristique chantés par deux troubadours ? Oui effectivement c’est bien de ça dont il est question. Suis-je en train de vous dire que je vais vous parler d’un album qui ressemble plus un best-of des inconnus qu’à du post-electro-indie-folk ? Encore une fois oui. Est-ce que je me fous de votre gueule ? Non, vraiment pas, car Flight Of The Conchords possède un talent unique dans une catégorie musicale où la musique n’est justement pas la finalité de base.

Je ne vais pas vous citer tous les passages qui vous feront marrer en écoutant ce disque, mais il faut savoir que « Hurt Feelings » le premier titre est une parodie du milieu hip hop qui au final fait bouger la tête comme n’importe quel gang de la west coast. « Sugalumps » et « We’re Both In Love With A Sexy Lady » arrivent à faire une synthèse entre R Kelly et Kanye West. Le rendu est incroyablement sexy tout en proposant des sonorités qui ne cachent pas leur aspect innovant. « I Told You I Was Freaky » est un hybride rappelant Michael Jackson et Eminem, rien d’étonnant pour un pastiche, sauf qu’encore une fois c’est particulièrement réussi.

Après un début plutôt hip hop, s’éloignant un peu de la folk lo-fi du premier album, « Demon Woman » remet le groupe sur les rails d’une pop folk enjouée. Mais c’est vraiment « Rambling Through The Avenues Of Time » qui finit par convaincre de l’intensité du songwriting de groupe, tant on penserait presque à du Belle & Sebastian. « Fashion Is Danger » a un côté David Bowie qui ferait du rap en plein milieu des années 80, c’est juste succulent.

« Petrov, Yelyena And Me » est le point noir de l’album, le groupe se faisant paresseux en terme de mélodies et d’appropriation du second degré, mais précède The single de l’opus : « Too Many Dicks (On The Dancefloor) » ! Bah qu’est ce qui lui arrive à Benjamin F, ce n’est pas son genre de kiffer ce genre de blagues potaches. Oui, of course, c’était le sens de mon intro. Flight Of The Conchords me fait bêtement rire avec ses chansons qui arrachent bien plus que certaines idoles actuelles de la musique électronique comme The Bloody Beetroots.

« You Don’t Have To Be A Prostitute » pousse le bouchon encore plus loin en arrivant à me faire supporter du début à la fin une chanson d’inspiration reggae, l’un des styles que je conspue le plus ;). « Friends » porté par son instrumentation vocale gagne en mélodicité à chaque écoute. Enfin « I Told You I Was Freaky » se clôture sur deux jolies ballades.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Flight Of The Conchords se suffisent à eux même sur disque. Pas besoin d’avoir vu l’intégralité des épisodes dans lesquels interviennent ces chansons pour prendre un plaisir simple à passer en boucle cet étrange album mi folk sensible, mi electro hip hop chatoyant.

Note : 7/10