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Il n’aura fallu qu’une écoute pour briser tous les espoirs, pour avorter le monstre tricéphale qui aurait pu naître. Un line-up hallucinant, une glorieuse collaboration passée ayant déjà donné naissance à un des albums de la décennie (« Songs for the Deaf »), des performances live des plus excitantes, tous les éléments semblaient être réunis. Them Crooked Vultures a-t-il publié un mauvais premier album ? Assurément pas tant l’opus est transcendé de fulgurances technico-rythmiques et faisant preuve à chaque instant d’une cohésion exemplaire. S’est-il égaré dans ses ambitions ? Rien à reprocher non plus de ce côté-là, tant la volonté du groupe de remettre au goût du jour un classic rock via des compositions complexes et rugueuses est des plus noble. Mais alors quel est le problème ? Encore un caprice anti-conformiste ?

La problématique n’est pas si difficile à identifier. Si à de maintes reprises, on retrouve les spécificités du jeu de guitare de Josh Homme (les glissés retours de « Scumbag Blues »), si quelques fois on entend des réminiscences des Queens Of The Stone Age, le plus souvent Them Crooked Vultures donne dans un stoner bien plus proche de Black Sabbath que de Kyuss. Si l’idée de recréer une version vintage de leurs groupes phares parait pertinente et d’autant plus légitime de par la présence de John Paul Jones, il n’en reste pas moins que le diabolique trio est loin de posséder le génie mélodique du groupe culte de Birmingham. Ainsi malgré une ambiance bien marquée, ce premier album ne donnera jamais l’envie d’être approfondi (« No One Loves Me & Neither Do I »)

Le principal problème de Them Crooked Vultures est que, malgré sa virtuosité technique, malgré sa cohérence hors pair, malgré l’évidente complicité entre les trois musiciens, il manque cruellement de mélodies (« Reptiles »). On a beau avoir le poil qui se dresse à l’écoute du jeu à la fois si fin et puissant de Dave Grohl, on a beau se délecter de cet esprit rock sudiste incorruptible, les titres finissent indubitablement par ennuyer (« Caligulove »). Même la ballade rock fumeuse, exercice où Homme excelle habituellement n’arrive pas à procurer la moindre émotion, (« Warsaw or the first Breath You Take After You Give Up »). Il y a ici un flagrant défaut de songwriting (« Dead End Friends »), comme si étouffé par leur talent, les musiciens en avaient oublié d’écrire des chansons. Un classique chez les « supers groupes » me direz-vous, certes mais on attendait tout de même plus de magie connaissant le génialissime chef d’orchestre que peut être Josh Homme.

On cherche, on essaye de comprendre où le bât blesse. Porté par des instrumentations brillantes et des introductions alambiqués, on en arrive presque à regretter l’apparition du chant du grand rouquin dont le timbre habituellement si riche semble ici dépossédé de sa substance (« Elephants »). Déçu, presque trahi par cette promesse non concrétisée, on se raccroche aux grands moments du disque comme « Mind Eraser, No Chaser » où la voix de Dave Grohl influe un souffle pop qui dynamise l’ensemble, ou de l’efficace « New Fang » aux faux airs de « No One Knows ». De la seconde partie de « Bandoliers » émane la poussière du désert, la production y est chaude et les riffs incisifs. De l’hypnotisme de « Gunman » provient une véritable tornade. Sous ces mornes étendues infinies de sable se cache parfois des mirages où les accablants couplets s’effacent sous l’illusion de refrains inspirés.

Entre le bien élevé John Paul Jones et le barré Nick Oliveri, un des deux semble bien plus capable de pousser ses collègues dans leurs derniers retranchements. L’envie, le plaisir de jouer est en général communicatif, ici il n’est qu’égoïste.

Note : 6,5/10