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L’humain doit vraiment être de nature pessimiste pour attendre avec une telle appréhension chaque nouvel album de groupes qui n’ont pourtant jamais déçu. Comme si la fin du règne était toujours à venir, il semble impossible d’accorder sa confiance, impossible de croire en un futur à la hauteur du passé. Peut-être que ce n’est pas le pessimisme qui dicte ses schémas de pensée à l’homme mais bien l’inéluctable conscience d’un inévitable déclin. Pourtant certains disques se dressent comme des remparts devant notre conception étriquée (mais humaine) du monde.

Comme le laissait supposer « Splitting The Atom », « Heligoland » s’ouvre sur la chanson « Pray For Rain » où Tunde Adebimpe, le leader de TV on the Radio vient poser sa voix suave sur une instrumentation hypnotyco-évolutive où les basses vrombissent lointainement. Plus le morceau avance, plus les sonorités électroniques gagnent en aisance. Sur « Babel », c’est Martina Topley Bird, qui vient prêter main forte au titre d’ex-muse de Tricky. Porté par une ligne de basse emblématique que n’auraient pas reniée certaines formations noise rock, le titre possède une rugosité industrielle comme de la drum’n’bass filmée en stop motion, où les sons fuient à la vitesse de la lumière passée au spectre du ralenti. « Splitting The Atom » est un concerto soul de l’apocalypse à trois voix, la voix de 3D toujours un peu plus proche de l’impact émotionnel de Damon Albarn répond à la nonchalance de Daddy G et à la maturité de Horace Andy.

« Girl I Love You » reprend les écrins chers à Massive Attack pour y greffer une dimension pop des plus charmantes, pourtant l’avenir est indubitablement sombre, provocateur, à la limite de l’affiliation avec Nine Inch Nails. Une fois de plus le groupe de Bristol démontre sa capacité à faire évoluer les chansons et les textures. Véritable relecture des précédentes pépites du groupe, « Girl I Love You » n’a rien à envier à un « Angel ».

Plus le disque avance plus il s’avère prendre le contre-pied de « The 100th Windows ». Plus chaud et plus généreux quitte à perdre parfois un peu en noblesse comme sur « Psyche », « Heligoland » marque le début d’un nouveau cycle lunaire qui absorbe les styles comme les talents. Et que dire de ce « Flat of the Blade », de ses expérimentations warpiennes, de sa pureté du son, de l’émotion à fleur de peau rappelant les songwriters de la trempe de Vic Chesnutt, de la manière dont il réinvente Massive Attack. Après de tels assauts, on aurait presque tendance à trouver « Paradise Circus » et la voix de Hope Sandoval fades et vains. Il faut dire que l’ex Mazzy Star manque trop de personnalité pour réussir à se placer au niveau des autres monuments du disque. Mais au final n’avait-on pas besoin d’une petite respiration avant le pharamineux « Rush Minute » dont la rythmique décomposée joue au chat et à la souris avec le piano ?

La présence de Damon Albarn a un peu tout du coup calculé, du featuring générateur de buzz, mais, comme je le disais plus haut, les accointances avec 3D sont si évidentes qu’on finit par être presque étonné qu’il ne se soit pas livré plutôt à l’exercice. Sans être particulièrement original, « Saturday Come Slow » se fond avec aisance dans « Heligoland » tout en offrant sa dose de frisson. L’album se clôt sur le brillantissime « Atlas Air » qui n’est pas sans rappeler les ambitions du « Third » de Portishead ; la présence du guitariste Adrian Utley n’y est d’ailleurs peut-être pas étrangère.

Sans signer le premier chef-d’œuvre incontestable de 2010, Massive Attack s’avère à la hauteur de sa propre mythologie. « Avec un groupe de cette envergure, cela tient déjà du miracle » dixit le pessimiste.

Note : 8,5/10

>> A lire également, la critique de JS sur Good Karma et la critique de Ed Loxapac sur Chroniques Electroniques