Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

MELODIUM – Palimpse

Par Benjamin Fogel, le 25-02-2010
Musique

Les disques sont comme des rêves trop réels. Chaque nuit vous vivez à leurs côtés milles et une histoires, des aventures féeriques, des drames psychologiques, des courses effrénées où l’on fuit devant des riffs offensifs. Puis on se réveille en sueur, l’âme rassasiée ou effrayée. Des images restent, d’autres disparaissent. On joue avec les mots, on joue avec les envies. Légitimement, on finit par tout remettre en cause. La réalité devient flou et s’efface avec le temps. Tous ces disques sont des souvenirs, certains nous accompagnent pour toujours, d’autres ont besoin d’une piqure de rappel.

Il y a quelques temps, j’ai reçu un album en provenance de l’adresse « melodiumbox » qui parlait d’un projet intitulé Melodium. Je n’ai pas compris. J’ai fermé le mail puis je l’ai consciencieusement déposé dans la catégorie « à écouter », dans cette catégorie fourre-tout qui déborde de futurs rêves. Il aurait pu longtemps moisir dans ce placard à chimères.
Puis, au cours d’un échange épistolaire 2.0, un de mes lecteurs érudits – de ceux qui orienteraient vos prochains choix de critiques et qui rendraient vaines toutes tentatives de prospection musicale – me demanda si j’avais eu le temps de jeter une oreille à son projet. Avec ce « melodiumbox » dans la barre de destination, je fis tout de suite le rapprochement mais malheureusement pas le bon. Commençant à voir naître une certaine confiance dans les goûts du garçon, je m’empressai d’aller jeter une oreille sur son projet. Les premières nappes étaient électroniques et le mot Melodium trottait dans ma tête à la recherche d’un déclencheur émotif. Et puis enfin je tiltai, mais encore une fois d’une manière incongrue. Melodium ! Les souvenirs me revinrent et « La tête qui flotte » émergea complètement de l’eau. « Il est culotté mon érudit de lecteur de comme ça piquer le nom d’un groupe qui avait tant marqué mon année 2005 ! » La suite vous la connaissez… Mon érudit de lecteur avait toute légitimité à être si érudit puisqu’il s’agissait en réalité d’une des fines fleurs de l’électro française de cette dernière décennie :)
Entre « La tête qui flotte » et ce nouvel opus, beaucoup de choses ont été publiées, des choses qui n’ont malheureusement jamais traversé le mur de la nébuleuse des sorties. Que s’est-t-il passé pendant ces cinq années ? Comment est-on passé d’une electro-pop quasi abstrackt aux contours lettrés (« Se rayer provisoirement de la liste des vivants ») à cette odyssée ambiante d’influences bien plus cinématographiques ? Il me suffirait probablement de demander à mon lecteur érudit. Il accepterait sans nul doute une petite interview. Mais non je préfère ne pas comprendre, rester dans la méconnaissance ; l’incompréhension est tellement plus propice aux rêves.

« Palimpse » est donc la bande originale d’un nouveau voyage. Tout n’y est que velours instrumental. La guitare et les nappes réinventent la folktronica (« In The Forest At Night »), les crépitements prennent nos doutes dans leur bras (« Wreckage ») et des voix lointaines nous guident à travers l’obscurité (« Kissing Disease – First Version »).

Si le discours a changé, si la recette a été revue de fond en comble, il reste chez Melodium cette évidence du songwriting, comme si les chansons étaient écrites, jouées et enregistrées dans la foulées avec une naturelle évidence (« German Voice »). Il ne suffit de pas grand-chose, d’une ligne de guitare tout au plus pour permettre aux chansons de trouver leur chemin (« Guitare Theme »).

Au final, le seul vrai défaut de « Palimpse » tiendrait presque dans son manque de velléités commerciales. A chaque fois que Melodium tient une grande mélodie, on dirait qu’il fait tout pour la garder jalousement et éviter d’en faire une chanson qui pourrait séduire un public plus largue. Dommage par exemple qu’il se refuse sur certains titres à laisser intervenir des invités vocaux qui auraient transcendé les chansons (« Landscapes »).

Une fois de plus, on se réveille en sueur, l’âme rassasiée et effrayée. Rassasiée par l’exquise tenue, par l’insondable cohérence de l’œuvre ; effrayée par ces chansons qui auraient pu être encore plus.

Heureusement, « Palimpse » se clôt sur « Insomnia », une chanson monde qui du haut de sa demi-heure aurait pu être un album à elle toute seule. Avec elle c’est l’assurance de ne plus redormir, de ne plus laisser les états vaporeux cacher sous la brume des albums si importants.

Note : 7/10

>> L’album est en écoute sur le site de Melodium
>> A lire également,
la critique de Benoit sur Pop Revue Express