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A SINGLE MAN de Tom Ford

Par Benjamin Fogel, le 05-03-2010
Cinéma et Séries

[Attention Spoilers] J’ai toujours aimé penser que les environnements dans lesquels les artistes évoluaient n’étaient que des supports interchangeables, et que le besoin de dire des choses, d’exprimer des sentiments n’étaient pas corrélé au fait d’avoir appris la guitare dans sa jeunesse ou d’avoir été un rat de bibliothèque. Bref, j’ai toujours aimé l’idée un peu galvaudée que l’artiste était universel et que les ponts entre les différentes formes d’art étaient nombreux. Je parle évidemment ici plus de Adam Jones de Tool et de Vincent Gallo que de Jared Leto et Michel Gondry (on peut le dire maintenant que Oui-Oui c’était pas très bien ?). Pourquoi cette introduction me direz-vous ? Tom Ford n’est après tout « que » couturier et « A Single Man » constitue ainsi ses premiers pas dans le domaine artistique. Il ne faut pas mélanger artistes et artisans. On pourrait débattre longtemps autour de ce thème on ne peut plus récurrent, mais partons pour l’instant du principe qu’il y existe des similitudes entre la démarche artistique cinématographique et la création stylistique de haut niveau (Gucci et Yves Saint Laurent). Effectivement, une telle hypothèse permet de légitimer l’évidente sophistication de « A Single Man » et de passer outre les ralentis poseurs et les ambiances mélancoliques aux effluves de spots pour parfum. Acceptons que ses éléments fassent juste partie du background culturel de Tom Ford et que l’essentiel soit ailleurs.

Car oui il y a bien des choses essentielles dans ce premier long métrage. Comme toutes les premières œuvres, celle-ci en dit long sur son auteur. Le choix de l’adaptation du roman de Christophe Isherwood n’a rien d’hasardeux tant il semble permettre à Tom Ford d’extérioriser des sentences clefs qu’on imaginerait bien avoir dormi pendant des années entre deux feuillets d’un calepin Filofax. Le jeu sur cette solitude si pesante, sur ce manque qui pourrait pousser au suicide n’est souvent qu’une mise en scène pour dévoiler ce besoin que nous avons tous de nous faire peur. Il est troublant de voir George Falconer (interprété par l’impeccable Colin Firth dont le brio nous fait d’ores et déjà oublier sa future prestation dans « Bridget Jones 3 ») se moquer du trop plein de dramaturgie de Charley, alors qu’il cherche lui-même à se donner des frissons.

Durant cette journée qui ne cesse via de nombreux plans d’horloges d’appuyer sur le peu de temps qu’il lui reste à vivre, George Falconer ne cessera de chercher des moments instantanés de bonheur qui pourraient potentiellement modifier sa décision. Ainsi à chaque fois qu’une émotion, qu’un ressenti lui rende son humanité, la colorimétrie de l’image s’épanouit et gagne en brillance. Les teintes et les textures ne cessent de donner un deuxième niveau de lectures aux scènes, comme si la luminosité servait à mettre en exergue les émotions indétectables autrement chez ce personnage qui ne laisse jamais rien transparaître. L’exercice stylistique est complexe et Tom Ford s’en sort comme un vieux briscar expérimenté en ne cessant d’alterner classicisme et modernité.

L’ironie de la mort de Falconer, qui décède d’une crise cardiaque alors qu’il venait justement de renoncer à celle-ci, peut paraître légèrement maladroite mais permet au réalisateur de maintenir sa continuité « humoristique ». La vie se joue des gens comme les gens se jouent des autres gens.

Note : 8/10

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