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Lucinda
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Suite à une lutte acharnée contre les festivaliers, la nuit gagnait enfin sa bataille contre le bruit, et les humains chancelants ivres de bières et de sons regagnaient enfin les navettes. C’est en toute intimité qu’une petite brise se leva sur une centaine personnes restées seules sous un chapiteau de fortune. Les minutes passaient, la fatigue irriguait de plus en plus les jambes et les derniers shots de vodka n’arrivaient plus à maintenir l’excitation. Puis alors que tout le monde voyait l’annulation poindre, le duo apparut accompagné d’un batteur épileptique. Un inénarrable chaos s’échappa violement des enceintes, Alice Glass hurlait comme une chienne enragée. Il était impossible de reconnaître le moindre morceau, le public était désarçonné, c’était un vrai moment de fureur punk sans calcul. Et c’est cet état d’esprit qui est d’entrée de jeu maintenu par Crystal Castles sur « Fainting Spells » le titre qui ouvre leur second album.

Après avoir retourné le champ de bataille et piétiné les mortels, peu de voies s’offraient à Crystal Castles et la majorité d’entre elles se résumait uniquement à un déplacement du curseur de la violence. Il en résulte inévitablement des titres qui sur la même base que les singles trash pop de 2008 optent soit pour un maintient de l’agressivité (« Doe Deer ») soit pour des velléités electro-pop (« Suffocation »).

Un titre comme « Celestica » est symptomatique de la situation dans laquelle se retrouve le duo. Comment fricoter avec la pop sans perdre son identité ? Il en résulte des nappes de clavier parasitées par les sonorités d’antan où Alice Glass s’efforce de s’affirmer comme une chanteuse capable de drainer les âmes sur un dancefloor spatiale ; une musique moins impétueuse mais qui possède un charme certain.

Telle une bêtise de Cambrai, le son de Crystal Castles est née du hasard des mauvaises manipulations, et c’est vraiment lorsque que le groupe s’en tient à cette formule issue du chaos de la création qu’il se fait le plus juste et le plus excitant, déclamant son style très personnel à la fois brutal et naïvement pop (« Baptism »). Ethan Kath crée ainsi des architectures sonores qui supportent avec brio les complaintes mystico de son alter-ego féminin (« Year of Silence »). Qu’on ne s’y trompe pas, il y a ici de vraies qualités d’écriture qui sont déformées sous le taquin spectre de l’electro-punk.

Il est vrai que dès qu’il canalise sa folie, Crystal Castles devient un produit consommable qui n’hérisse que difficilement les poils (« Not In Love »). Et là en découle l’enjeu : réussir à maintenir la folie à son plus haut niveau ; diminuer les temps de latence entre le speed et le LSD (« Vietnam »). La drogue impose à Ethan Kath des choix de production qui laissent souvent coi, mais si on se demande pourquoi le puissant riff de « Birds » se retrouve étouffé par une boucle 8-bit étonnement surmixée, il n’en reste pas moins que la démarche titille l’oreille. Même si l’album s’essouffle un peu la faute à une tracklist un peu trop bavarde, il y a suffisamment de matière ici pour prolonger le clash d’un « Crimewave » ou d’un « Xxzxcuzx ».

Ce nouvel opus éponyme a beau ne pas être à la hauteur de son double gémellaire, il n’en est pas moins le jumeau de l’ombre qui vient consolider le tout. Une sorte de métaphore de la relation Ethan Kath / Alice Glass où la seconde vient démontrer que sa voix n’est pas qu’un artifice.

Note : 7,5/10