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DANS SES YEUX de Juan Jose Campanella

Par Benjamin Fogel, le 18-05-2010
Cinéma et Séries

[Attention Spoilers] Porté par Ricardo Darin, son acteur fétiche qui a joué dans ses deux précédents films (« El Mismo amor, la misma lluvia » et « Le Fils de la mariée ») mais également dans le très bon « El Aura » de Fabián Bielinsky, et qui illumine chaque scène de son regard bleuté à la fois désenchanté et incisif, « Dans ses yeux » est le huitième long métrage de l’argentin Juan José Campanella. Adaptation du roman « La pregunta de sus ojos » de Eduardo Sacheri qui est ici co-scénariste, il raconte l’histoire d’un homme qui 25 ans après une enquête sur une affaire sordide décide de poser à l’écrit le récit de ce drame qui aura impacté sa vie bien plus qu’il ne l’aurait souhaité. En se replongeant dans ses souvenirs, il lève le voile sur sa propre personnalité et essaye de découvrir les clefs qui lui permettraient de mieux comprendre son présent.

« Dans ses yeux » multiplie les ruptures de ton et dévoile son brillant scénario en mélangeant, sans faux pas, comédie, triller et drame. On pense au délicieux jeu avec les époques auquel s’était livré Pedro Almodovar sur « Etreintes Brisées » et on fait des parallèles avec le duo d’enquêteurs de « Memories of Murder » de Joon-Ho Bong qui partage avec l’argentin cette façon à la fois insidieuse et directe d’intégrer de vrais moments d’humour.

Plus qu’un triller, « Dans ses yeux » réécrit l’histoire d’un homme à travers son rapport à un crime, comme si les étapes de son enquête ne formaient au final qu’une métaphore de son histoire amoureuse avec sa supérieure, le juge Irene Menéndez Hastings. Très vite on réalise que le héros Benjamín Expósito aborde sur les photos la même posture que celle du tueur, le même regard posé sur l’être aimé. De la même manière, il souffre de cet amour qui n’aboutira jamais, d’autant plus que de l’autre côté il est touché par la magnificence de l’amour éternel de Morales, le mari de la victime. Les questions et les mystères voguent ainsi d’un univers à l’autre : le film s’ouvre sur une scène floutée qui présente l’un des clichés les plus connus du cinéma, celui d’une femme qui court après le train qui emmène au loin celui qu’elle aime. Une scène que le film s’évertuera non seulement à rendre net mais surtout crédible et délicieuse.

Le jeu sur « Temo » et « TeAmo » va plus loin qu’une simple touche qui manque sur la machine à écrire, il traite des problèmes du quotidien qui empêchent la mise en perspective complète du texte. A la fin du film, la porte du bureau qui se ferme enfin est symbolique de la séparation entre l’enquête et la vie : Benjamín Expósito a puisé l’expérience nécessaire et peut enfin se réapproprier son existence. L’acolyte Pablo Sandoval (interprété par l’hilarant Guillermo Francella) prétend que si l’homme a beau changer, les passions restent ; l’histoire d’amour de « Dans ses yeux » en est une belle illustration.

Avec sa subtile manière de passer d’un genre à l’autre, son univers riche en thématiques, ses acteurs à la fois humains et torturés, et son scénario fourmillant de détails et de légers rebondissements qui s’étalent au fil des années, « Dans ses yeux » impose Juan José Campanella comme un très grand réalisateur dont la sobriété n’est qu’une manière se rester focalisé au mieux sur la grandeur de son histoire.

Note : 9/10

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