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Comment envisager la suite lorsque la passion a atteint de si troublants sommets ? Comment maintenir l’excitation tout au long des années à venir lorsque l’on sait que jamais on ne connaîtra à nouveau une telle plénitude ? Baisser les bras et se résigner ? Tenter aveuglement de réitérer l’indupliquable ? Ou bien tout mettre en œuvre pour faire perdurer (ne serait-ce qu’artificiellement) le miracle ? Oui comment envisager l’avenir quand on a connu une passion si forte aux côtés de « Boxer » ?

En remplaçant le piano par des guitares distordues ? En remplaçant les guitares par des cordes ? En essayant de parsemer le quotidien de ces petits riens qui montrent que l’amour est intact ? En déclamant de perpétuelles variations qui permettent de briser la monotonie et qui éclaire la relation d’un nouvel angle ? En essayant de concilier l’innocence des premiers émois et le raffinement d’une inclinaison affirmée ? Oui sans le vouloir « High Violet » fait renaître le panel d’émotion de « Alligator » tout en s’appuyant sur la densité de « Boxer ».

C’est de cela qu’il s’agit avec « Terrible Love », de cet amour qui n’est jamais acquis, qu’il faut toujours réalimenter par de nouvelles salves. Le fantôme du passé plane au-dessus de l’épaule comme un gardien qui vous pousse vers l’exigence (« Anyone’s Ghost »).

Le producteur Peter Katis offre comme toujours une tribune d’expression égale aux instruments primaires et aux arrangements, tandis que Bryan Devendorf appuie les chansons avec moins de nervosité que sur « Brainy » mais avec tout autant de passion et de finesse (« Little Faith »). L’osmose éblouit, l’histoire d’amour est intrinsèque. Un modèle de fraternité de plus via un double binôme de frères qui épaule avec une fierté toujours intacte leur leader.

Plus que jamais The National réinvente le post-punk en y ajoutant une sincérité folk/americana et les refrains fédérateurs de la britpop (« Bloodbuzz Ohio »), comme si Joy Division entamait une traversée nocturne de l’autoroute 66 ( « Lemonworld »). « Conversation 16 » aurait pu être la bande originale de certains passages de « Moins que zéro » de Brett Easton Ellis. On y sent la chaleur pesante et les esprits, qui malgré le xanax qui a pris possession de leur sens, rêvent encore des romances que le rêve américain leur a volé.

De par sa mélancolie revendicative, « Runaway » est sûrement le pendant du poignant « Fake Empire », le genre de chansons à vous faire porter un regard attendri sur les quelques écarts comme « England ».

On pourrait s’offusquer que « High Violet » ne se clôture pas sur une perle comme « Mr November » il y a 5 ans, mais la force de l’opus est justement là : dans sa capacité à offrir des émotions moins intenses mais plus pérennes. L’histoire se construit, elle se bat pour sa survie sans considérer que le nirvana vécu puisse garantir à lui seul une vie de passion.

Note : 8,5/10