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La reformation n’aura que partiellement abouti et n’aura pas réussi à imposer une stabilité. Jimmy Chamberlin aura quitté le dirigeable avec lucidité et non comme auparavant sous l’emprise de la drogue. Il aura joué le jeu de la courtoisie et Billy Corgan lui aura une fois de plus planté un coup de couteau dans le dos. Le leader des Smashing Pumpkins continue ainsi de devenir ce personnage plein de paradoxes, souvent manipulateur, presque toujours détestable. A ce rythme, il pourrait finir par devenir aussi culte que Mark E Smith (sic).

Envers et contre tous, la folie des grandeurs est intacte et la nouvelle lubie de Billy Corgan s’intitule « Teargarden by Kaleidyscope » un album composé de 44 chansons qui seront livrées gratuitement une par une sur le site du groupe tout au long de la gestation du disque (une étape de plus après « Machina II: The Friends & Enemies of Modern Music »). Entre métaphore du compte-goutte et volonté d’impliquer l’auditeur dans les schémas créatifs, ce nouvel album sera publié sous forme de EPs (un tous les quatre titres) avant d’être réunis pour constituer la pièce finale. « Songs for a Sailor » est donc la première étape de ce projet dont on est curieux de voir l’issue. Curieux parce qu’il n’est nullement certain que l’indomptable Corgan arrivera à aller jusqu’au bout, mais aussi parce qu’on se souvient que les chutes de « Mellon Collie and the Infinite Sadness » étaient d’une incroyable richesse et qu’on sait combien Billy Corgan aime composer en dehors des carcans.

De plus en plus difficile à situer, les Smashing Pumpkins sont devenus un groupe d’indie rock qui se revendique de tout et de rien. « A song for a son » qui ouvre donc le bal de cette demi-centaine de titres en est caractéristique : les Doors y côtoient Led Zeppelin, l’histoire est retracée, this is a song for space invaders.

« Widow Wake My Mind » souffre rythmiquement de l’absence du meilleur batteur de la génération X (on ne pouvait pas légitimement espérer que Mike Byrne, son remplaçant de 19 ans, l’égale) mais propose une ligne mélodique en conformité avec « Zeitgeist » qui se loge indiciblement dans les souvenirs adolescents. Plus métallique « Astral Planes » donne dans un rock psyché, hypnotique où les guitares peuvent s’envoler à chaque instant. « A Stitch In Time » est une vraie ballade avec une légère touche eigties à la Depeche Mode, qui rappelle si besoin était combien Billy Corgan est un grand songwriter.

Il est certain que Billy Corgan a non seulement choisi la voie de la facilité et que son concept est avant tout un artifice pour se prévaloir des futurs reproches, un alibi pour excuser son fameux sens de la cohérence à jamais perdu, mais qu’il défend également une posture musicale douteuse. Néanmoins, il y a une certaine forme de vérité dans sa volonté de dire que les albums sont depuis toujours enregistrés chanson par chanson mais livrés qu’une fois un seuil critique atteint, et qu’il est peut-être temps d’essayer autre chose : une saine transparence dont il voudrait que les Smashings Pumpkins devienne l’étendard. Pourtant, en en se délestant de la temporalité, il nie de fait toute logique d’album et le seul résultat effectif sera probablement une démystification du processus créatif qui n’aura que pour unique conséquence de décrédibiliser son approche de la musique. Au final, comme souvent avec Billy Corgan, il n’y a que les chansons pour le sauver des décisions hasardeuses.

Inspiré par le tarot « Teargarden by Kaleidyscope » cherche à retranscrire les différentes facettes de la vie, et à l’écoute de cette première salve en forme de très bon EP, l’envie de revenir discourir ici de l’album complet se fait déjà pressente, et ce quel qu’en soit le format contestable du tout.

Note : 7/10