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Après un premier album (« Big Wig » en 2008) qui au sein d’un classicisme avenant dévoilait déjà un futur prometteur, le trompettiste Kirk Knuffke s’adjoint les services des membres du Nublu Orchestra de Butch Morris (dont il est originaire) et remplace ainsi notamment Jeff Davis à la batterie par Kenny Wollesen (véritable labyrinthe humain lorsqu’il s’agit de rythmique, le garçon ayant déjà travaillé avec Tom Waits, Ruper Ordorika, Norah Jones, et surtout John Zorn).

A la lecture même du tracklisting et de la durée des chansons, on réalise combien « Amnesia Brown » sera direct et incisif. Les titres oscillent tous entre deux et cinq minutes et la règle du jeu semble être de réussir à placer le maximum d’idées en un minimum de temps, idées qui bien sûr ne doivent pas être préméditées mais découler des improvisations les plus spontanées. A ce jeu la batterie de Kenny Wollesen est un sacrée atout, tant celui-ci peut à foison créer la dissonance qui soulignera avec une poignante justesse l’inattendue complexité de la trompette.

Puis soudainement l’expérimentation prend le pas, ou tout du moins le laisse croire à l’auditeur qui ne sait sur quel pied danser tant les assauts arrivent de partout (« 2nd »). C’est totalement free tout en donnant l’impression que le moindre son a été savamment pensé, étudié et qu’il résulte d’un canevas mathématique complexe (« Read Bag »).

Bien qu’offrant de vrais moments de tendresses (« Anne »), le quartet aime avant tout détruire et déconstruire (« Please Help, Please Give ») mais sans jamais intellectualiser à outrance ses schémas mélodiques. Les thèmes de « Leadbelly » et de « Practical Sampling » s’inscrivent ainsi durablement dans l’imaginaire collectif, tandis que sur « Double », la trompette pleure, suinte des goûtes de sueur à travers les yeux. Le tout devenant un véritable opéra jazz qui sans le moindre texte raconte de vraies tragédies (« High-Pants Bob »). Faisant suite à l’excellent « Yesterday You Say Tomorrow » de Christian Scott, cet album confirme que deux trompettistes d’écoles différentes sont là pour poursuivre l’œuvre de Miles Davis.

« Amnesia Brown » était le surnom donné au grand père de Kirk Knuffke, un type qui disparut du jour au lendemain, qui oublia famille et amis et se réinventa consciemment ou inconsciemment dans une autre ville. L’amnésie est ainsi une thématique centrale ici, car il s’agit bien sans cesse d’oublier les structures qu’on vient soi même d’inventer pour repartir à zéro, le tout sans jamais oublier ses réflexes et sa technique. Les vies sont modulables mais les dons restent.

Note : 8,5/10