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MENOMENA – Mines

Par Benjamin Fogel, le 26-07-2010
Musique

Les saisons passent et « Friend and Foe » de Menomena continue (malheureusement) d’être au sens propre mon album de chevet, « Friend and Foe » le chevalier noir qui vient défendre mon sommeil, et qui a su m’apprendre à vivre avec mes démons au point que j’accepte parfois d’affronter la nuit sans invoquer sa rassurante présence, tout en sachant qu’à la moindre pression, il accourra à ma rescousse.

Avec « Mines », au moindre signal, au plus petit geste, le groupe est toujours capable de se matérialiser et de déployer un « TAOS » enlevé qui apparaît comme un formidable single fédérateur, un morceau qui jure avec la noirceur de la nuit, une histoire qu’on raconte aux enfants, une histoire magique qui contient les violons de Melody Nelson. Conservant cette approche du rythme spontané, des fûts qui prennent la tête de la course puis se cachent puis s’imposent, et cette manière de multiplier les sonorités de manière inopinée, Menomena reste l’un des plus expérimentaux groupes pop indé (« Killemall »).

Pour un groupe qui a déjà légitimé ses galons, Menomena continue de cultiver ce goût pour les structures qui prennent leur temps, pour cette beauté qui n’est jamais frontale mais toujours formidablement pernicieuse (« Tithe »). L’exigence musicale et la sainte volonté de déplacer la pop dans un nouveau fourneau, d’en conserver les forces mélodiques mais d’élever le débat à un tout autre niveau. Et surtout ne pas se presser, ne pas foncer tête baissée vers un refrain trop attendu, se laisser guider par le chant non-chalant, proche de celui de Damon Albarn, de Brent Knopf (« Queen Black Acid »), sans pour autant décevoir en se défaussant des montées apocalyptiques (« BOTE »)

Pourtant les go home de « Dirty Cartoons » traînent en longueur et nient pour une des premières fois la volontés des américains à éviter de laisser d’ennuyeuses boucles pénétrer dans leur univers, et la légèreté des ascensions de titres comme « Wet & Rusting » se retrouve lestée par des maladresses mélodiques qui prennent successivement la forme de notes de guitares dont les hampes munies de crochet n’arrivent pas à retenir les ovales, ou d’harmonies vocales qui ne trouvent pas le juste niveau d’intimité (« Five Little Rooms »).

S’il y a toujours eu chez Menomena cette volonté de revisiter l’indie rock américain, on se dit que ces derniers sont de plus en plus concurrencés par leurs propres extensions Ramona Falls et Lackthereof, deux groupes qui semblent posséder une liberté plus forte comme si, à contrario de leur géniteur, aucune contrainte n’était imposée de base pour le plaisir de l’exercice de style.

Oui sur « Mines », on a pour la première fois l’impression que la règle de fonder les chansons sur un songwriting à six mains est une expérience qui montre ses limites : la démocratie participative s’essouffle et certaines chansons (sans pour autant n’être jamais désagréables) ressemblent à une suite de collages hasardeux et non prémédités (« Sleeping Beauty »).

Paradoxalement, « Mines » est à la fois l’album le plus mature, le plus chirurgical, le plus construit du trio mais aussi celui dont on attendait qu’il irrigue de manière plus systématique les âmes. Il n’en reste pas moins un très bon disque qui s’est juste fait prendre au piège de ses propres ambitions.

Note : 7/10

>> A lire également, la critique de Violette Roll sur Jamais d’accord