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« Admiral Fell Promises » s’ouvre sur ces mots : No this is not my guitar, I’m bringing it to a friend. No I don’t sing, I’m only humming along. Up here in the air, I’m just mumbling at the clouds. Mark Kozelek cherche une fois de plus à relativiser le sens de sa musique, à la placer dans le bon référentiel pour que plus jamais ne transpire l’impression qu’il puisse en faire trop. Et c’est exactement ce qu’il se produit ! Ce troisième album de Sun Kil Moon (enfin quatre si l’on compte l’album de reprise de Modest Mouse) transpire d’une justesse et d’une retenue qui ne tolère aucun écart. Bien qu’il n’ait jamais été question ici d’une trop grande affliction, la manière que Mark Kozelek pouvait avoir de forcer sur les émotions (je pense à « The Light » sur « April » et son The night lit by moon, The day sun, Ooh baby I’m wondering, how come?, The light is nearly gone) s’évapore au profit d’une légèreté imperfectible.

Sun Kil Moon se reconstruit autour d’une guitare à cordes nylon et du jeu typé finger-picking de Mark Kozelek. Généralisant certaines expériences du passé, l’américain sera seul tout au long du disque avec pour seul nakama la personnification de son instrument. Le rendu aurait pu rappeler « Summer Dress » mais emmène les ambiances ailleurs ; tout y semble encore plus évident, implicite. Si, schématiquement, « April » alternait les chansons en trio et en solo, « Admiral Fell Promises » tranche dans le vif. Dans un premier temps, on pourra invoquer le défaut de variété en comparaison à un « Ghosts of the Great Highway » ou encore se plaindre de l’absence d’une basse à la « Carry Me Ohio » ou d’une guitare saturée à la « Tonight In The Sky », mais on se retrouve vite touché par la pureté, par l’absence totale de faux pas. Alors que par le passé, certaines instrumentations avaient échoué à épauler parfaitement la voix profonde (on pense au piano un peu dégoulinant sur « Shadows » en 1995) et que des erreurs de production parsemaient les disques (l’écho sur la voix sur « Things Mean A Lot » en 1999), Mark Kozelek peut livrer ici une collection de dix chansons parfaites qui prennent leur temps, qui irriguent, qui remplissent et qui s’installent.

Animé par la nostalgie des histoires d’amour qui n’ont jamais existé, Mark Kozelek arpente de nuit les rues de Barcelone sous une demi-lune divine offrant un équilibre exquis entre optimisme et scepticisme. Suivi par un guitariste espagnol imaginaire qui joue des notes au hasard des envies en se laissant porter par cette chaleur étouffante qui peu à peu se fait corrompre par un rafraîchissement nocturne, il avance encore et encore sous l’aura d’une mélancolie de Noël, sous la coupe d’un espoir qui l’attend au détour de cette ruelle jonchée des restes de débauche de la vie de ceux qui n’ont pas besoin de vivre accompagnés d’une guitare (« Sam Wong Hotel »).

« Admiral Fell Promises » devrait être un des plus beaux morceaux de folk de l’année, une sorte de pont émotionnel entre Leonard Cohen et Bill Callahan tandis que « You are my sun » jouit de l’immunité des rêves d’été. « Australian Winter », quant à elle, réussit là où Midlake échoue et produit une ballade épique pour vikings dépressifs.

Le soleil ne tue pas la lune. La lune ne tue pas le soleil. Les ailes sont de trop. Il ne s’agit pas de s’envoler ou de produire des cataclysmes. Sun Kil Moon brille à l’ombre et se cache dans la lumière.

Note : 8/10

>> « Admiral Fell Promises » est en écoute intégrale sur MySpace