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On ne sait plus trop s’il y a encore une vie humaine qui habite Mark Oliver Everett, on se demande sincèrement s’il n’a pas été happé par la musique, s’il est encore autre chose que les personnages qu’il décline dans ses chansons. Le refuge est devenu la résidence permanente. Dorénavant, se déplacer, travailler, dormir, tout n’est plus que créations de nouveaux titres. La trilogie « Hombre Lobo », « End Times » et « Tomorrow Morning » se clôture sans se clôturer. Il n’y pas de fins, pas d’explicitation du concept. Eels reste enfermé dans Eels porté par les courants d’air successifs qui parcourent la maison vide de E, un jour du rock, le lendemain de la folk, plus tard de l’electro. On en retire juste des restes de rédemption et un peu d’espoir pour le futur. Cependant on ne sait jamais s’il s’agit de déclarations inopinées ou si un vrai fond habite les nouvelles directions. E chante « Baby loves me, and she’s smarter than you! » mais l’on se demande s’il n’essaye pas de se convaincre lui-même, impression confirmées par la faible teneur de ce « Baby Loves Me ».

Pourtant, comme à chaque fois, il est toujours agréable de suivre ses divagations le temps de quelques chansons où l’on sent que travail, passion et catharsis se retrouvent enfin l’espace d’un instant. Le chant se fait alors intimiste et porté par des arrangements touchants (« This Is Where It Gets Good » et « I’m a Hummingbird ») et les entrainantes ritournelles pop du passé trouve à nouveau leur voie radiophonique (« Spectacular Girl »). S’il n’est pas toujours à la hauteur de ses responsabilités, on ne pourra pas dire qu’il n’y met jamais du sien.

La dévotion à la cause a beau être irraisonnée, elle prouve l’attachement à l’entreprise créée il y a bientôt 20 ans. Même le dimanche, lorsque la petite église communale accueille E avec le charme des vitraux désuets, il ne peut s’empêcher d’un air las de prendre le micro, et de prononcer tout en conservant l’expression de celui qui est venu pleurer ses proches disparus, la plus gospel soul des messes. Il ne cherche pas à faire son intéressant, il fait juste les choses comme ça, comme l’instant présent lui dit de le faire (« Looking Up »). Pas étonnant avec ce genre de comportement qu’il ne puisse s’empêcher d’aller copiner avec la chorale de sa nièce lors de la première kermesse venue (« Mystery Of Life »). Rien n’est vital mais tout est certain. Il ne s’agit que de la bande originale d’une vie qui n’est pas la nôtre, mais les cloches de Noël sonnent pour tous (« The Man »).

Des mélodies eelsiennes se manifestent le soir sur le journal intime quand la solitude pousse l’homme à se replonger dans ses souvenirs. Il ne s’agit pas d’essayer de dupliquer le passé mais juste de souligner qu’on ne l’a pas oublié, qu’il reste quelque-chose de la vie d’avant les tremblements de terre (« After The Earsquake »). « Tomorrow Morning » n’est pas une expérience qui se partage, il n’est composé que de chansons qui semblent avoir été pensées, écrites et enregistrées sans aucune discontinuité. La boite à rythme qui se substitue systématiquement au batteur pour un résultat souvent inorganique au possible, est caractéristique de ces chansons évanescentes qui ne peuvent se permettre le luxe de la réflexion sous couvert du risque de disparaitre dès que l’envie du moment sera passée (« Oh So Lovely »).
Il y a toujours chez Mark Oliver Everett, une blessure qui nous empêche de laisser l’américain vaquer seul à ses occupations dans l’indifférence générale (« The Morning »). Certes, celle-ci est souvent exprimée avec maladresse mais c’est avec bienveillance qu’on se pose, sans pour autant jamais s’appuyer, sur ces titres brinquebalants.

Note : 6/10

>> « Tomorrow Morning » est en écoute intégrale sur MySpace