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RED DEAD REDEMPTION (PS3)

Par Benjamin Fogel, le 18-08-2010
Jeux-vidéo

[Attention Spoilers sur RDR, GOWIII, MGSIV et GTA IV] Alors que le cinéma à grand spectacle vit sous le couperet permanent de la nécessaire happy end, les grosses sorties du monde des jeux vidéos vivent dans une impunité commerciale totale. Blockbuster en terme de rentrée d’argent qui ne visent pourtant qu’une parte restreinte de la population, ils sont devenus un produit culturel de consommation de masse qui ne dépend justement pas des goûts de la masse. Avec à la tête des projets, des passionnés qui ne tolèrent pas la trahison chez les autres et donc la compromission chez eux, ils deviennent des œuvres dont la subversion à une telle échelle reste rare. L’élément le plus symptomatique de ce positionnement réside sans doute dans toutes ces fins qui prennent quasiment systématiquement le contre-pied des dîtes happy end cinématographiques. Kratos se suicide à la fin de God Of War III, on abandonne un Solid Snake vieilli et au bord de la faille dans Metal Gear Solid IV et on suit le regard apitoyé d’un Niko Bellic qui réalise que le crime lui a volé toute envie lors de la dernière scène de GTA IV. Red Dead Redemption s’inscrit complètement dans cette lignée. Il ne s’agit pas de tuer pour devenir le meilleur mais pour découvrir quelque chose sur soi, sur le sens de la vie. Ces jeux causent plus de la vacuité de la vengeance et du vide qu’elle laisse derrière elle que de la nécessité de laver l’honneur des êtres aimés. Pour bien réaliser le gouffre qui a été franchi, il faudrait imaginer un Mario qui après avoir sauvé la princesse succomberait sous les brulures de Bowser en réalisant qu’il a gâché sa vie à courir après une aristocrate qui ne l’aimait pas.

Red Dead Redemption exploite au maximum l’univers du farwest (duel, gunfight, capture au lasso, dressage de cheval, travail à la ferme…), un univers relativement vierge dans le monde du jeu vidéo, surtout si l’on pousse la comparaison avec l’univers cinématographique. On y sent le vent qui souffle, la pluie qui ricoche sur les imperméables pesant et l’odeur du whisky qui s’incruste durablement dans les moustaches et se marie à celle du tabac. La plongée dans ce western ludique devient vite une expérience sensorielle prenante où il est tout aussi capital de galoper dans la tampa pour le plaisir que de mener à bien sa quête. Car oui, les enjeux scénaristiques ont beau être haletants, la gallérie des personnages pleines de gueules cassées charismatiques et les combats épiques, il y aura toujours un moment où l’on préférera s’arrêter au milieu des plaines pour contempler du haut de son étalon le coucher de soleil qui s’abat sur les loups qui hurlent à la mort. Cette poésie du déplacement, cette détente du voyage rappelle à bien des égards le chef d’œuvre Shadow Of The Colossus et on se plait ici à appeler sa monture Agro.

Niveau gameplay, Red Dead Redemption s’inscrit dans la droite lignée de GTA IV (logique puisque GTA IV a été développé sur le moteur de Red Dead Redemption dont la réalisation avait débuté deux ans avant celle des aventures de Liberty City) mais a le bon goût d’en corriger les défauts. Si les habituels bugs de collision subsistent, le joueur ne souffre plus des déplacements sans cesse interrompus par au mieux des feux tricolores au pire la police et offre une durée de vie à taille humaine qui se focalise sur le développement d’un scénario qui ne se complait jamais dans les dérivatifs et les missions répétitives. Ici chaque avancée apporte son lot de surprise en termes de techniques tout en facilitant les mécanismes de jeu (checkpoint, déplacement sur la carte via le campement). Certes on reprochera l’étrange allégeance de certains personnages, qui pour le bien du scénario, acceptent on ne sait jamais trop pourquoi de s’embarquer aux côtés de John Marston, mais les liens rapidement crées et la manière dont les caractères s’imposent en quelques minutes vont jusqu’à faire oublier la raison de leur présence.

En s’attaquant à l’un des mythes fondateurs des Etats-Unis et en le dépeçant de tout glamour, Rock Star livre une vision réaliste et sans pitié de l’Histoire. Ici les femmes ne sont pas de ravissantes danseuses, le gouvernement n’est rien de plus qu’un ramassis de petits chefs opportunistes les shérifs n’incarnent rien d’autres que leur propre justice, militaires et révolutionnaires mexicains ne sont que des lâches égoïstes et il est à la pointe de l’érudition de considérer les indiens comme une sous-race. Voilà ce qu’est Red Dead Redemption, une visite de l’Amerique à travers les yeux d’un anti-héros qui n’a pour seule qualité de ne pas être aussi calculateur que ces congénères, une visite au sein d’un monde en changement où les enfants apprennent à lire et à tuer, un monde où il n’y pas de morale mais déjà des valeurs.

Note : 8,5/10