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Je me souviens de celui qui ne voulait pas connaitre les rouages, de celui qui ne voulait pas comprendre le pourquoi du comment, de celui qui voulait rester dans le flou. Je m’en souviens parce que je partageais avec lui cette peur de la démystification, cette crainte de réaliser qu’il y ait un sens, une réflexion derrière une chanson qu’on voudrait juste qu’elle « soit », qu’elle existe sans autre justification, qu’elle soit juste apparue, sans père, sans mère, juste comme un présent. La différence entre hier et aujourd’hui est double. D’abord, on m’a placé (ou plutôt je me suis volontairement exposé à) face à la mécanique, on a ouvert le capot et on m’a plongé la tête dedans. J’avais beau être entouré de tous mes amis, j’avais beau être excité à cause des pastis tricolores (vert, blanc, rouge) qui clignotaient trop vite, la session que m’offrait Bertand Belin attirait mes yeux au plus près de la tuyauterie. C’était comme aller regarder la solution à un problème de logique et constater que même avec la réponse sous les yeux, l’on arrivait pas à traiter rationnellement l’information. Oh oui, comme souvent il n’y avait pas de raison, il fallait juste se laisser aller et constater avec soulagement que les contours de telles chansons ne se dessinent jamais.

« Hypernuit » est un disque d’ellipses. Les chansons comme « Long Lundi » sont des moments en suspension plein de curiosité. C’est comme si vous étiez dans une chambre d’hôtel et qu’au beau milieu de la nuit, caché entre les sons qui ne sont pas ceux de votre environnement naturel, une dispute explosait dans la chambre voisine. Les parois sont assez légères pour laisser passer les mots les plus amples mais trop épaisses pour ne pas faire disparaitre les chuchotements. Il ne reste alors que des bribes de phrases, des mots à partir desquels il faut reconstruire des histoires. Vous collez alors l’oreille contre la paroi lisse de la modernité : lion, rivière et oraison. S’agit-il vraiment d’une dispute ? Les cris ne sont-ils pas des poèmes et les larmes des manifestations de joie ? Vous ne savez pas, vous vous rallongez et fermez les yeux. Les mots vous bercent, ils sont mille portes d’entrée à des rêves.

Bertrand Belin est l’antithèse de Arnaud Fleurent-Didier, ses histoires vivent en dehors des contextes, elles sont apolitiques et ne font référence qu’à elles mêmes. Il n’y a jamais de name-dropping ici car il n’y a pas d’autre réalité que celle de l’amour, de la fraternité et du temps qui passe, pas d’autre réalité que celle de la vie au sens large. C’est un album de promesses simples mais essentielles où l’on jure qu’avant le soir on aura touché sa main (« Neige au soleil »). C’est peut-être cette évidence qui permet de comprendre spontanément des phases prononcées dans un langage si déstructuré et d’offrir des chansons comme « Hypernuit » ou « Tout a changé ». Oui c’est un disque où les dialogues ne se répondent pas mais où tout le monde arrive à suivre la conversation (« Y en a-t-il un »).

Et puis, il y a cette manière de faire tomber les dernières syllabes, d’appuyer les « é » de manière déconnectée de la musique, de surprendre par les intonations, d’osciller entre le spokenword affecté houellebequien (« La Chaleur ») et la nonchalance touchante d’Alain Bashung ; Bashung une influence évidente qui résonnent étrangement sur « Ta Peau » lorsque Bertrand Belin dit Je voudrais vivre plus longtemps pour être encore avec toi. Peut-être que demain on oubliera, peut-être qu’on ne se souviendra plus de ce qui était important et alors on chantera Puis le temps fit ce que le temps fit toujours, il dressa le passé dans le contre-jour.

Note : 7,5/10

>> A lire également, l’article de Arbobo

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