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TRUE BLOOD – Saison 3

Par Benjamin Fogel, le 24-09-2010
Cinéma et Séries

[ATTENTION SPOILERS] Comme ça Alan Ball a l’air d’être un sacré filou. Il place ses personnages dans un labyrinthe fabuleux dont il est le seul à connaître la sortie et au lieu de tous les guider vers le droit chemin, il préfère les dispatcher et regarder les plus betas d’entre eux se retrouver face à des impasses. Le problème c’est qu’à force de laisser tout le monde tourner en rond, y compris les plus ardents, on finit surtout par se demander s’il n’est pas un imposteur qui n’en sait pas plus que ses héros sur ce dédale.

La saison 3 ne fait que confirmer à quel point l’inexistence de vision globale est entrain de rendre ces allers-retours ennuyeux. Combien de fois faudra-t-il encore voir Sookie et Bill emprunter le chemin du Je t’aime / Moi non plus, les suivre entrain de revenir sur leur pas, pour finalement s’y engouffrer à nouveau bêtement quelques épisodes plus tard ? Pendant combien de temps allons-nous devoir suivre d’un air hagard les retournements psychologiques de Jason qui change d’orientation de vie aussi vite que Matt McNamara dans Nip/Tuck ?

C’est un peu le syndrome « Heroes » : poser les bases, créer un univers mythologique excitant propice à des développements épiques, et puis finalement ne rien en faire, se contenter de laisser retomber le soufflet en préférant rester coller aux petits problèmes de ses personnages sans jamais remettre ces derniers en perspective de l’histoire. A ce jeu là, la saison 3 est une illustration parfaite. Alors que les pions se mettent en place, alors que les conflits entre les différentes races prennent une ampleur politique aussi bien d’un point de vue moral que d’un point de vue territorial, alors qu’on s’apprête à assister à une guerre entre les royaumes où les vampires feraient s’affronter leurs armées de loup-garous, de métamorphes et autres créatures fantastiques, tandis qu’au milieu les humains (et les sorciers) joueraient l’élément perturbateur capable de faire basculer la balance et que les fées tenteraient de tirer leur épingle du jeu, True Blood finit fatalement par se détourner de son univers au profit de triangles amoureux isocèles et de petites histoires sans fond qu’on retrouve habituellement plus dans des épisodes de Desperate Housewifes. Tout cela est d’autant plus décevant que ces histoires secondaires qui damnent déjà le pion à l’intrigue principale, n’ont même pas le mérite de développer en profondeur leurs thématiques. Qu’il s’agisse de la famille (celle de Sam Merlotte), de l’homosexualité (Lafayette Reynolds et dans une moindre mesure la tension entre Bill et Eric), des traumatismes de guerre (Terry Bellefleur), des premiers émois (Jessica et Hoyt), tout ces pans de la vie américaine sont traités sans aucune mise en perspective de la manière la plus indépendante (et parfois frivole) qu’il soit.

On en arrive vite à une incroyable constatation : les histoires des personnages de True Blood n’interagissent tellement pas entre elles, qu’on pourrait toutes les décorréler sans que personne ne s’en offusque ; elles sont une infinité de droites parallèles laissées à l’abandon. Rarement une série n’aura autant peu su quoi faire de ses personnages tout en conservant un attachement à ces derniers aussi intacts. Lorsqu’un personnage a été exploité jusqu’à la moelle, les options ne sont pourtant pas légions : soit il meurt, soit il part en voyage à l’autre bout du monde. Mais continuer à inventer une vie à une Arlene Fowler qui demande juste à ce qu’on lui foute la paix, c’est transformer sa série en spin-off de Loft Story. Pourtant lorsqu’il s’agit de se débarrasser des personnages les plus intéressants, là y a bien du monde (Russell Edgington).

On pourrait également épiloguer sur les comportements sibyllins de certains (hey je tue mon père de sang froid sans raison, mais je compte jusqu’à 10 avant de tirer sur le Jason qui m’a piqué ma promise) ou encore sur les incohérences psychologiques (Eric qui te tuerait un Bill Compton pour un regard de travers mais qui prend sur lui après que ce dernier ait tenté de lui créer une prison de ciment), mais gageons que les vrais problèmes ne soient pas là. Oui l’apparition fantasmagorique de Godric peut bien être parfaitement ridicule, on en rigolera même pas. Mais en contrepartie, on ne sauvera pas non plus cette saison 3 sur la foi de ses très bonnes scènes (Sookie qui se débarrasse des lambeaux de Talbot) et de son imagerie érotico-sanglante parfois des plus délectables.

Regarder True Blood, ce serait un peu comme se faire l’intégralité du Seigneurs des Anneaux entrecoupé de scènes sur les problèmes de cœur de la petite sœur de Sam Gamegie et sur la mort du chien du cousin germain de Aragorn pour au bout de douze heures réaliser que Frodon a finalement décidé de rentrer chez lui et que la vraie révélation est que Arwen a décidé de changer de coupe de cheveux.

Note : 4/10

>> A lire également, la critique de Thomas sur le Golb